Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon à 34 ans

Publié le 09 janvier 2024 par Sylvainrakotoarison

Autre ritournelle en boucle, Gabriel Attal est le plus jeune Premier Ministre de la L'atout est donc la surprise de la jeunesse, et on ne peut pas ne pas penser à Penser à 2027 ? Gabriel Attal, le chouchou ? le dauphin ? C'est beaucoup trop loin ! Il faut déjà constituer un gouvernement Macron plus qu'un gouvernement Attal, et ce n'est pas si simple entre les barons incontournables et les petits jeunes à pousser ; il y aura beaucoup de déception et de rancœur dans une majorité parlementaire que Gabriel Attal devra pourtant réunifier pour la mettre en ordre de bataille. En ordre de marche." Cher Gabriel Attal, je sais pouvoir compter sur votre énergie et votre engagement. " (Emmanuel Macron, le 9 janvier 2024 sur Twitter).

"L'Enfer de Matignon", c'est un livre de Raphaëlle Bacqué sorti le 12 septembre 2008 (chez Albin Michel) et aussi cinq épisodes d'un documentaire diffusé sur France 5 du 13 octobre 2008 au 3 novembre 2008, qui rappelle que la fonction de Premier Ministre est éprouvante, épuisante et rarement intéressante pour les candidats à l'élection présidentielle. Un nouvel épisode de la vie politique française vient donc de commencer avec la nomination par Emmanuel Macron, ce mardi 9 janvier 2024 peu après midi, du Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse Cinquième République. Ce n'est pas faux, c'est même très juste, mais c'est plus que cela : c'est le plus jeune chef du gouvernement que la France a eu de toute son histoire, républiques et monarchies confondues ! Là aussi, c'est notable. Le précédent recordman de la jeunesse, c'était Laurent Fabius qui avait 37 ans (il allait avoir 38 ans quelques semaines plus tard) lorsqu'il a été nommé à Matignon le 17 juillet 1984 (il est né le 20 août 1946).
François Mitterrand qui, lui aussi, avait donné à la France le plus jeune Premier Ministre puis la première femme Première Ministre. Cette nomination serait-elle excessive ? Certainement pas, car Gabriel Attal est un véritable animal politique et s'il vient de la gauche, il s'est bien gardé de faire des réserves sur la loi Immigration et il est même très apprécié par les tenants les plus droitiers de l'échiquier politique en ce sens qu'il a détonné au Ministère de l'Éducation nationale en faisant du retour à l'autorité sa priorité numéro une. On regrettera sans doute qu'il doive quitter ce ministère alors qu'il a à peine agi en ce sens et son successeur aura la difficile tâche de lui succéder (au même titre que lui-même avait bénéficié du contraste de personnalité avec son prédécesseur Pap Ndiaye).
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Malgré sa jeunesse, cela fait une vingtaine d'années qu'il est dans les allées du pouvoir, lorsqu'il a travaillé chez Marisol Touraine au Ministre des Affaires sociales, il était déjà le plus jeune collaborateur de ministre. Partout où il est allé, il a su développer son existence politique propre. Son objectif serait la mairie de Paris en 2026 ; il risque d'avoir beaucoup d'amis à ses côtés pour qu'il se concentre sur Paris en 2026 et qu'il oublie l'Élysée en 2027 !
Au-delà de la jeunesse, l'autre atout, bien sûr, c'est sa popularité. En ce sens, la nomination de Gabriel Attal, qui n'a aucune troupe, aucun courant, ni évidemment aucun parti, est à mettre en parallèle avec la nomination de Manuel Valls à Matignon en 2014 (il y a dix ans !) par François Hollande alors qu'il n'avait représenté que 6% à la primaire du PS de 2011. Son atout était, là aussi, sa grande popularité et le fait qu'il était un véritable animal politique.
L'objectif à court terme de Gabriel Attal, c'est de reprendre du terrain sur le RN dans l'optique des élections européennes, donner un coup de vieux à Marine Le Pen (55 ans) en prenant comme adversaire principal le président du RN et tête de liste RN, Jordan Bardella (28 ans, moitié moins).
Mais il aura bien des embûches en chemin et le premier rendez-vous budgétaire, à la rentrée de 2024, vote de la prochaine loi de finances, sera un test de compétence tant politique que technique, qu'Élisabeth Borne avait brillamment réussi deux fois (en 2022 et 2023).
Si on remonte plus loin, deux autres chefs du gouvernement ont été très jeunes, mais pas autant que Gabriel Attal. Sous la Quatrième République, pour l'un des derniers gouvernements, le radical Félix Gaillard a été nommé Président du Conseil le 6 novembre 1957, le lendemain de ses 38 ans (né le 5 novembre 1919) ; il était d'un potentiel politique exceptionnel, mais il est mort en pleine mer à 50 ans, d'un naufrage au large de Jersey. Enfin, si on remonte encore plus loin, sous la Restauration, Louis XVIII a nommé Élie Decazes le 20 novembre 1819 Président du Conseil des ministres ; il avait alors 39 ans (né le 28 septembre 1780), et avait été auparavant préfet de police de Paris à une époque très tumultueuse (fin des Cent Jours), puis Ministre de la Police, puis Ministre de l'Intérieur.
Cela pour la passé, mais prenons l'avenir. Évidemment, cette nomination ne changera pas la situation politique dans laquelle se trouve le Président de la République et sa majorité présidentielle : il n'y aura pas plus de majorité absolue que sous Élisabeth Borne ; le président de LR Éric Ciotti l'a d'ailleurs confirmé dès la nomination du nouveau Premier Ministre, LR restera dans l'opposition, et le contraire aurait été surprenant.
En revanche, ce qui est nouveau, c'est que si Gabriel Attal est un fidèle et loyal d'Emmanuel Macron, il a acquis une existence politique propre (ce qui est très rare en Macronie) et pourrait donc faire de l'ombre, un jour, à Emmanuel Macron (comme la plupart des Premiers Ministres sous la Cinquième République). Tout le monde pense à l'échéance présidentielle de 2027 (Gabriel Attal serait plus jeune qu'Emmanuel Macron en 2017), mais ce serait mettre la charrue avant les bœufs : la vie à Matignon n'est pas un long fleuve tranquille et l'horizon d'un Premier Ministre n'est pas trois ans mais trois mois voire trois semaines. Gabriel Attal au poste de Premier Ministre.
L'événement est même rapporté aux États-Unis par des flashs spéciaux en raison de cette caractéristique historique : Gabriel Attal n'a que 34 ans, il aura 35 ans le 16 mars prochain. Le temps très long entre la démission officielle d' Élisabeth Borne et cette nomination (dix-huit heures) s'expliquerait par le fait qu'il fallait convaincre tous les poids lourds de la Macronie de l'intérêt de l'initiative, sans qu'ils en prennent ombrage : François Bayrou, Édouard Philippe, Richard Ferrand, Bruno Le Maire (qui était le patron de Gabriel Attal à Bercy il y a encore moins d'un an) et Gérald Darmanin devront le soutenir et ne pas en être trop jaloux !
Mais l'opération de communication était encore plus réussie : en confiant que cette nomination était la plus probable depuis hier soir, cela a conduit toutes les chaînes d'information à tourner en boucle sur Gabriel Attal, avantages et inconvénients, atouts et handicaps, etc. et finalement, à rendre cette nomination évidente et naturelle, alors qu'elle n'allait pas de soi.
Revenons sur les mots des journalistes et commentateurs qui, comme toujours, ne se trompent jamais complètement mais ne sont jamais rigoureux. D'une part, entendu depuis quinze jours, il ne s'agit pas d'un remaniement mais d'une changement complet non seulement de gouvernement, mais aussi de Premier Ministre. Or, on lit encore (sur franceinfo par exemple) que c'est un remaniement !
Sylvain Rakotoarison (09 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l'action n'est pas une option !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240109-gabriel-attal.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gabriel-attal-plonge-dans-l-enfer-252446
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2024/01/09/40168671.html