L'édito : des tournois WTA 500 dévalorisés ?

Pour célébrer 2024 à sa façon, la WTA s'est lancée dans une nouvelle lubie : augmenter le nombre de tournois de catégorie 500 en promouvant des épreuves jusqu'à présent classées dans la catégorie inférieure, c'est-à-dire la 250. Derrière ces dites promotions censées être lucratives pour les différentes fédérations se cache en réalité un cadeau empoisonné que certains vont avoir beaucoup de mal à digérer.
La WTA passe à l'offensive. Les compteurs financiers étant au vert, selon les dires de son patron Steve Simon, et ce malgré des tribunes qui ont souvent sonné creux l'année dernière, sans oublier la déconfiture de Cancun, l'association a enclenché la vitesse supérieure en décidant de promouvoir quelques tournois qui, cette année, vont changer de catégorie en quittant les 250 pour entrer dans les 500. Une bonne nouvelle, serait-on tenté de dire car, qui dit WTA 500 (la deuxième plus grosse catégorie après les WTA 1000) dit forcément des "prize money" bodybuildés, ce qui va permettre ainsi aux tournois concernés d'attirer plus de joueuses médiatisées, notamment des membres du top 10. Sauf que, pour certaines fédérations, le gros gâteau risque d'avoir mauvais goût et provoquer des indigestions.
Pour bien comprendre les conséquences désastreuses d'une telle décision et pour montrer à quel point la WTA n'en est plus à une bêtise près pour couler le tennis féminin, prenons un exemple précis, celui du tournoi de Linz. L'épreuve fondée en 1991, à laquelle des joueuses comme Lindsay Davenport, Justine Henin, Amélie Mauresmo et Maria Sharapova ont inscrit leur nom au palmarès, fait partie de celles qui ont été promues cette année en WTA 500, alors qu'elle était en catégorie 250 depuis 2009. On ne peut bien entendu que se féliciter qu'un tournoi qui fait partie des plus anciens de l'ère open bénéficie d'un traitement aussi avantageux. Hélas, la joie de la fédération autrichienne risque d'être de courte durée. En effet, selon le calendrier des tournois de la WTA pour l'année 2024, Linz a été placé juste après l'Open d'Australie, le premier tour devant débuter le 29 janvier, seulement deux jours après la finale dames du majeur austral. Les conséquences ne se sont pas faites attendre. Selon une pré-liste de participantes qui n'est pas définitive, une seule joueuse du top 20, Marketa Vondrousova, championne de Wimbledon 2023 et actuelle 7e mondiale, a accepté de venir. Et encore, son éventuelle participation va bien entendu dépendre du parcours qu'elle aura préalablement effectué à Melbourne. En imaginant que la tchèque aille loin à l'Open d'Australie, elle pourrait décliner l'invitation en zappant Linz. Une joueuse du top 20 présente, oui, et sous réserve. Avouez que pour un WTA 500, ça fait tâche. On se retrouverait alors avec un tournoi clairement dévalué dans lequel des joueuses classées entre la 70e et la 100e place auraient la possibilité d'entrer directement dans le tableau principal. Face à une telle situation, on comprend mieux aujourd'hui pourquoi des joueuses comme Liudmila Samsonova, Ekaterina Alexandrova ou Emma Navarro se retrouvent dans le top 30.
Le tournoi de Linz n'est pas le seul à recevoir la patate chaude. En France, les Internationaux de Strasbourg risquent également de connaître les mêmes désagréments en étant placés entre le tournoi de Rome (WTA 1000) et Roland-Garros alors que l'épreuve a elle aussi été promue en catégorie 500 pour la première fois de son existence (le tournoi fut crée en 1987). D'autres pays n'ont pas été épargnés par l'institution. Promu lui aussi en WTA 500, le tournoi de Monterrey, au Mexique, subit un grand chamboulement en étant déplacé juste après le diptyque Toronto/Cincinnati et une semaine avant l'US Open, dernière levée du Grand Chelem. Une véritable punition alors que le Mexique commence à s'ouvrir timidement à la pratique du tennis. Enfin, il y a le cas du tournoi de Séoul, promu également mais, mal positionné sur le calendrier, juste avant la tournée chinoise qui doit passer par Pékin, Wuhan et Zhengzhou. Malgré les moyens financiers supplémentaires qui leur sont accordés, toutes ces compétitions pourraient bien pâtir des choix hasardeux d'une organisation qui semble ne plus trop savoir où elle va.
Décidément, si la WTA devait persister à prendre les mauvaises décisions cette année en ne retenant pas les erreurs grossières commises en 2023, c'est tout le tennis féminin qui serait entraîné dans une terrible tempête. L'institution cinquantenaire y va pour le moment tout droit.