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La statue de Heinrich Heine à l'Achilleion de Corfou s'anime dans une caricature du Simplicissimus

Publié le 06 janvier 2024 par Luc-Henri Roger @munichandco

statue Heinrich Heine l'Achilleion Corfou s'anime dans caricature Simplicissimus

— Je vous en prie, asseyez-vous !


Un dessin signé Durrer dans l'hebdomadaire satirique Simplicissimus (1908, page de couverture du cahier 8, 18 mai).

Alors que l'empereur Guillaume II, armé d'une hache, s'apprête à détruire le monument à Heinrich Heine qu'avait fait ériger dans les jardins de l'Achilléon l'impératrice Élisabeth d'Autriche, le poète, dont la lyre gît déjà à terre, propose courtoisement, mais non sans ironie, sa place à l'empereur allemand.

Guillaume II, on le sait, détestait Heinrich Heine. Lorsqu'il acheta l'Achilléon, il s'était empressé de faire démanteler le monument à Heinrich Heine, le poète favori de  l'impératrice Élisabeth.

Le Voltaire du 14 octobre 1909 (p.1) nous explique cette détestation :
" Une saute d'humeur de l'empereur allemand vient de proscrire, sinon Henri Heine, que la mort a mis hors d'atteinte, du moins la statue de l’écrivain que l’impératrice Elisabeth d'Autriche avait hospitalisée dans l'Achilléon de Corfou. On a la rancune tenace en Germanie. Il y a plus d’un demi siècle que Heine est mort, mais il reste au ban de 1'Empire pour avoir prévu, dès 1830, que la Prusse transformerait l’Allemagne et par conséquent l’Europe en un vaste camp retranché. " J'ai toujours observé avec inquiétude, écrivait-il dans la préface de la France,  cet aigle prussien et pendant que d'autres  vantaient sa hardiesse à regarder le ciel,  moi je n'en étais que plus attentif à ses serres. "
Rappelons encore les attaques contre l'institution sacro-sainte, la caserne prussienne, bafouée dans les notes de voyage de 1844 et notamment la page célèbre sur Aix-la-Chapelle où « les chiens s’ennuient dans les rues et ont l’air de vous faire cette humble prière : " Donnez-moi un coup de pied, ô étranger ! peut-être cela nous distraira-t-il un peu ! " N’a-t-il pas annoncé qu’en Allemagne l’idée républicaine se dégagerait un jour et suivrait une marche que rien n’arrêterait ? Qu’est-ce donc qu’un demi-siècle ou un siècle tout entier ? Les peuples sont immortels, il n’y a que les rois qui meurent : 
" Je ne crois pas de sitôt à une révolution allemande, et moins encore à une république allemande, mais je suis convaincu que lorsque nous serons paisiblement et depuis longtemps dans nos tombeaux on combattra en Allemagne, avec la parole et avec le glaive, pour la République. Car la République est une idée et jamais les Allemands n’ont encore abandonné une idée sans l’avoir fait prévaloir dans toutes ses conséquences. » Sa conviction était que le mouvement révolutionnaire sortirait tôt ou tard des excès policiers. Après la répression sanglante de 1 émeute des tisserands de Silésie, il écrivit des strophes menaçantes :
" Les hommes sombres, à l’œil sec, ne versent pas de larmes ; devant leur métier, ils chantent en grinçant des dents : « Vieille Allemagne, nous tissons ton linceul, nous mêlons à notre tissu mainte malédiction, « nous tissons, nous tissons... La navette vole, le métier craque ; nous tissons le jour, nous tissons la nuit ; vieille Allemagne nous tissons ton linceul, nous tissons, nous tissons... "
La place de la statue d’Henri Heine est dans ce Paris où il était venu vivre, penser et rire en se proclamant prussien libéré. Il aimait la France et il a raconté dans le Tambour Legrand  comment cet amour lui était venu. Un tambour de la Grande-Armée, logé chez ses parents, avait tambouriné devant lui, encore enfant, la liberté et la fraternité que les plis du drapeau français secouaient sur le monde. Plus tard, le retentissement des « trois glorieuses » l’attira à Paris et les lettres qu’il adressa à la Gazette d'Augsbourg firent interdire le territoire prussien à sa prose, puis à sa personne. En faut-il davantage pour que nous lui accordions la naturalisation du monument, après lui avoir donné celle de la tombe ? "

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