Dire que notre avenir c’est la mort, ce n’est ni très sérieux, ni très intéressant. Notre avenir, c’est l’éternité, le non-temps. Certains diront que cette éternité est une illusion, une consolation. N’est-ce pas plutôt l’avenir qui est une illusion, une idolâtrie consolatrice puisqu’il est malgré tous les prolongements qu’on peut lui imaginer voué à l’impermanence et à la mort ? L’éternel, c’est le Réel. Se soucier de son éternité plutôt que de son avenir, n’est-ce pas du bon sens avant d’être de l’intelligence et du discernement ? Mais dira-t-on : « le temps peut-il connaître le non-temps » ? Vérifiez : arrêtez trois minutes d’« avoir des pensées ». Soyez simplement, silencieusement, conscient… Voyez ! Écoutez ! Vous voyez quoi ? L’invisible, l’espace, qui est partout et toujours là. Vous entendez quoi ? Le silence qui est partout et toujours là. Le Réel, la vie, étaient là avant que vous y pensiez. Le Réel, la vie, seront toujours là quand vous cesserez d’y penser… Se soucier de son avenir et de l’avenir du monde ne change rien à notre destin. Se soucier de notre éternité, n’est-ce pas devenir libre à l’égard du destin et changer de monde ? Pourquoi dit-on que l’éternité, cet invisible, « cet obscur et lumineux silence » est une illusion, un rêve, alors que c’est la réalité que nous avons sans cesse devant les yeux, la lumière sans laquelle nous ne pourrions rien voir, l’espace qui demeure quand tout ce qui le remplit ou l’encombre s’efface et meurt ? N’est-ce pas plutôt ces mille et une choses que nous voyons qui sont une illusion, puisqu’elles changent sans cesse, à peine apparues, elles disparaissent ? « L’univers tel que nous le voyons est en train de disparaître ». Tout le monde le sait et personne ne veut le savoir. Est-ce légitime et raisonnable de tant se préoccuper de ce qui doit disparaître et de donner si peu d’attention à ce qui demeure, cet ineffable et effrayant silence qui est partout et toujours là ? Écoute ! Sois attentif à ce qui est là vraiment ! C'est l'exercice nécessaire pour revenir au Réel. C’est ce qu’il faut chercher « d’abord ». Tout le reste, le temps, les univers, nos plus proches et nos plus lointains, sont des êtres relatifs. Ils nous sont donnés par surcroît, non pour les mépriser, ni pour les idolâtrer, mais pour les célébrer. Les remercier comme manifestations de l’invisible infini silence. Comment ne pas se souhaiter une nouvelle année moins soucieuse de l’avenir et de ses illusions, une année plus attentive à l’éternité, au non-temps, à cette conscience de la présence invisible et silencieuse partout et toujours là ? Douter du soleil n’enlève rien à sa clarté, mais nous prive de sa clarté. À toutes ces ombres annoncées, puissions-nous répondre avec un corps, un cœur et un esprit ensoleillés… - Jean Yves Leloup, décembre 2023 -----------------
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