Comme le veut la tradition, le Président Paul Biya s’est une nouvelle fois adressé aux Camerounais ce 31 décembre 2023 au soir. Un discours marqué par un subtil équilibre entre motifs d’espoir et appel à la mobilisation. Décryptage.
Un contexte international compliqué
D’entrée de jeu, Paul Biya dresse le constat d’une année 2023 semée d’embûches, aussi bien sur la scène internationale qu’en interne. Sans surprise, il pointe du doigt le conflit ukrainien et ses répercussions en cascade sur l’économie mondiale.Inflation galopante, pénuries, raréfaction des financements… Autant de maux qui n’ont pas épargné le Cameroun.
Mais le Président se veut paradoxalement rassurant. Selon lui, malgré ces vents contraires, « nous avons continué à faire face. Ensemble« . Et de vanter au passage la « résilience » retrouvée de notre économie, avec une croissance estimée à 3,9% en 2023.
Des motifs d’espoir sectoriels
Vient alors le traditionnel état des lieux sectoriel. Paul Biya met logiquement en avant les « avancées considérables » en matière d’infrastructures, son domaine de prédilection. Au rayon des satisfactions : l’achèvement du projet d’adduction d’eau de la Sanaga, le futur barrage hydroélectrique de Nachtigal « opérationnel dans quelques jours », ou encore les 700 km de routes bitumées cette année.
Autre motif de fierté pour le chef de l’État : la pose de 44.000 panneaux solaires dans le Septentrion, soit 40% des besoins en électricité couverts.
On sent néanmoins pointer dans le discours présidentiel comme une forme d’insatisfaction. « Je sais à quel point les coupures d’eau et d’électricité impactent votre quotidien », concède-t-il ainsi. Tout en promettant aux Camerounais que « le gouvernement ne ménage aucun effort » sur ces sujets sensibles.
Un appel à l’effort et à la mobilisation nationale
Car c’est là tout le paradoxe de ce discours : derrière l’optimisme de façade perce une forme d’appel à la mobilisation. Conscient des immenses défis qui restent à relever, Paul Biya enjoint ses compatriotes à l’effort.
Il les prévient ainsi que « nous n’aurons pas d’autre choix que de réduire la subvention des carburants », trop coûteuse pour les finances publiques. Tout en promettant de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat.
Sur un ton plus solennel, le Président appelle également à « la rationalisation des dépenses publiques », à « l’intensification de la lutte contre la corruption ». Et plaide pour l’exploitation de « nouvelles pistes » afin d’accroître les maigres rentrées budgétaires de l’État.
Bref, derrière l’autosatisfaction affichée percent les inquiétudes d’un capitan aux moyens limités. D’où ce discours en demi-teinte, tiraillé entre les réalisations du moment et les vastes chantiers encore en friche.
Réélection en vue ?
En filigrane, ce discours se lit aussi comme une forme de bilan de mi-mandat avant une probable candidature du président sortant à la prochaine élection de 2025.
Paul Biya en profite d’ailleurs pour mettre quelques points sur les i sur des dossiers sensibles. Comme la crise dans l’éducation nationale, où il annonce sans ambages « des mesures fermes » pour garantir le droit des élèves à l’éducation.
Quid enfin de son absence remarquée à la CAN 2023 en Côte d’Ivoire ? Là encore, le président de la République contrebalance en adressant ses « encouragements » aux Lions Indomptables.
Bref, un discours très politique où percent déjà les prémices d’une future campagne électorale. Paul Biya confirme qu’à 91 ans, il n’a certainement pas dit son dernier mot…