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La folle et inconvenante histoire des femmes : Debout les femmes - Le Funambule Montmartre (Paris)

Par Filou49 @blog_bazart
samedi 30 décembre

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A l’angle d’une rue penchée de Montmartre, nous (re)trouvons le théâtre du Funambule : il faut traverser un petit couloir pout se nicher dans la salle. A l’intérieur, cette histoire des femmes qui va nous être contée rassemble beaucoup… quasiment que des femmes. 5 ou 6 hommes accompagnants se distinguent dans l’audience…

Cette histoire n’aurait pu voir le jour sans un trio, j’ai nommé Laura Léoni à l’écriture, Laetitia Gonzalbes à la mise en scène et Diane Prost qui incarne cette histoire… Pour cette dernière, l’idée ou plutôt la vocation du théâtre demeure dans le but de faire passer des messages et de parler des sujets sur lesquels on ne veut pas se pencher. En 2016, elle participe à la création de la web-série « Les Goudous » et subit de plein fouet l’homophobie : « Depuis le mouvement #metoo, ça avance. Une sororité est présente : on parle ensemble de viol, de consentement. Mais il reste encore tant de choses à faire ; dans le discours et dans l’écoute… » déclare-t-elle à l’œil d’Olivier

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Lumière, une phrase est projetée au fond de la scène : « Ce n’est pas parce que l’on ne parle pas des choses qu’elles n’existent pas ». Une femme couverte d’une étoffe de satin clair s’avance côté cour vers un cercueil. Commence cette discussion, ou plutôt ce monologue comme un cri du cœur avec sa grand-mère qui repose. Au début, c’est l’heure des règlements de comptes ou la levée des tabous sur le silence de cette dernière face à un sujet : l’homosexualité de sa petite-fille. De ce silence, il en sort la douleur, de la honte pour cette femme. Puis Diane Prost ouvre un livre, le livre familial d’histoire : de cet hommage personnel en sort la grande Histoire des femmes engagées et de leurs combats… 

Cette histoire qui a invisibilisé nombre de figures féminines et féministes mais qui reste surtout très hétéronormée… Parce qu’en plus d’effacer les femmes, Prost montre que l'Histoire a effacé les lesbiennes, les plus « dangereuses » car encore plus à même de questionner le système patriarcal grâce à leurs idées novatrices, leur liberté, pour ne citer que la poétesse Sappho, la peintre Rosa Bonheur, l’écrivaine Colette ou encore Joséphine Baker. Diane Prost leur rend un hommage vibrant et à leurs combats qui ont fait évoluer la cause féministe et l’égalité des genres. 

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Quand on voit le mot « histoire », des craintes peuvent surgir quant à l’écriture des personnages : serait-ce une présentation linéaire et chronologique de l’histoire des inégalités qui pourrait ressembler à une leçon d’histoire ? Bien au contraire, les transitions d’époques sont hyper subtiles tout à la magie d’un seul costume, ce long tissu satiné, de la technique des lumières et des projecteurs et surtout du jeu exalté de Prost. Sans oublier l’humour (et l’ironie surtout au vu du sujet), quand on sait par exemple qu’une femme pourrait s’appeler PayPal parce que la femme est « un symbole de paix et une monnaie d'échange ».

Selon l’historienne Titou Lecocq, autrice des Grandes Oubliées (ed. L’Iconoclaste), « l’histoire des femmes reste perçue comme un acte politique et militant. On considère que ce n’est pas de l’histoire. Or (…) le fait même de ne pas tenir compte des dernières découvertes historiques et d’effacer les femmes des programmes est, en soi, un acte politique. » Un acte politique mué en une norme longtemps considérée comme neutre. « L’idée n’est pas de prôner une égalité hommes-femmes dans les manuels scolaires, avec un quota de reines par exemple… Mais de rétablir la vérité, car on enseigne des choses fausses. (…) Inclure les femmes répond en réalité à un souci de rigueur intellectuelle. » L’historienne cite la reine Blanche de Castille comme Catherine Bernard, autrice que Voltaire veille à dénigrer tout le long de sa carrière. Le rétablissement des faits ne date pas de notre siècle puisque déjà en 1970, 9 militantes féministes, dont Christine Delphy ou Monique Wittig, rendaient un hommage sous l’Arc de Triomphe, avec la banderole suivante : “Il y a plus inconnu que le Soldat, c’est sa femme.” Une action, violemment réprimée, qui donnera naissance au Mouvement de Libération des Femmes. Aujourd’hui, à peine 5% des rues et 2% des boulevards et autres avenues sont baptisés du nom d'une femme. 

Cette instructive et inconvenante histoire est essentiellement une ode au matriarcat, aux femmes invisibilisées et aux lesbiennes, qui nous (même aux hommes spectateurs, surtout eux) enjoint, reconnaissantes de leur engagement à faire retentir l’hymne des femmes du Mouvement de Libération des Femmes dans la salle : Debout femmes esclaves et brisons nos entraves, debout, debout, debout…

Crédits photos : Chloé Nicosia

La folle et inconvenante histoire des femmes 

Écrit par Laura Léoni / Mis en scène par Laetitia Gonzalbes

Interprété par Diane Prost 

Les lundi et mardi à 19h ou 21h

Jusqu'au 30 janvier 2024

Théâtre Le Funambule Montmartre (Paris 18e)

Jade SAUVANET


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