J’avais déjà lu un roman de l’écrivaine québécoise du 20è siècle Anne Hébert, « Les Fous de Bassan », dont vous pouvez retrouver ma chronique ici.
Mais Nathalie, l’animatrice du blog « Madame Lit », a attiré mon attention sur son œuvre poétique, et je me suis empressée de suivre son conseil, par l’achat de ce superbe livre publié chez Boréal.
Après vérification, je me suis aperçue que j’avais déjà publié, il y a quelques années, un article sur la poésie d’Anne Hébert, que vous pouvez retrouver ici.
Note sur la Poète
Anne Hébert (1916-2000) est née à Sainte-Catherine-de-Fossambault, près de Québec, où elle a fait ses études. Elle a publié, en 1953, Le Tombeau des rois qui la plaçait d’emblée parmi les grands poètes de langue française. Son roman Kamouraska a obtenu le Prix des libraires en 1971, Les Fous de Bassan le Prix Femina en 1982, et l’Enfant chargé de songes, le Prix du Gouverneur Général en 1992.
(Source : éditeur)
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J’ai choisi trois poèmes extraits du premier recueil d’Anne Hébert « Le Tombeau des rois » qui date de 1953.
Page 20
NUIT
La nuit
Le silence de la nuit
M’entoure
Comme de grands courants sous-marins.
Je repose au fond de l’eau muette et glauque.
J’entends mon cœur
Qui s’illumine et s’éteint
Comme un phare.
Rythme sourd
Code secret
Je ne déchiffre aucun mystère.
A chaque éclat de lumière
Je ferme les yeux
Pour la continuité de la nuit
La perpétuité du silence
Où je sombre.
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Page 47
VIE DE CHATEAU
C’est un château d’ancêtres
Sans table ni feu
Ni poussière ni tapis.
L’enchantement pervers de ces lieux
Est tout dans ses miroirs polis.
La seule occupation possible ici
Consiste à se mirer jour et nuit.
Jette ton image aux fontaines dures
Ta plus dure image sans ombre ni couleur.
Vois, ces glaces sont profondes
Comme des armoires
Toujours quelque mort y habite sous le tain
Et couvre aussitôt ton reflet
Se colle à toi comme une algue
S’ajuste à toi, mince et nu,
Et simule l’amour en un lent frisson amer.
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Page 49
PAYSAGE
Roulée dans ma rage
Comme dans un manteau galeux
Je dors sous un pont pourri
Vert-de-gris et doux lilas
Les douleurs séchées
Algues, ô mes belles mortes,
L’amour changé en sel
Et les mains à jamais perdues.
Sur les deux rives fume mon enfance
Sable et marais mémoire fade
Que hante le cri rauque
D’oiseaux imaginaires châtiés par le vent.
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