Magazine Culture

Grand ReporTERRE #8: Débat sur la mémoire des luttes et du racisme

Publié le 16 novembre 2023 par Africultures @africultures

Sept jours, c’est le laps de temps durant lequel le Grand ReporTERRE 8 a été mis sur pied avec à la baguette Rokhaya Diallo et Lucie Berelowitsch. Au rythme de deux rencontres par saison, le Théâtre Point du Jour organise les Grands ReporTERRES, un dispositif inédit où journalistes et metteur·euse·s en scène sont invité·e·s à traiter d’un sujet de société. Africultures en avait couvert la troisième édition en 2021.

Un défi pour Lucie Berelowitsch. Metteuse en scène, directrice du Préau Centre Dramatique National de Normandie-Vire, elle a l’habitude de travailler sur le temps long. À ses côtés, elle a décidé d’amener Rokhaya Diallo, journaliste et spécialiste des questions de discrimination raciales, très prompte à réagir à l’actualité. De ces deux temporalités est née une expérience scénique sur le thème des mémoires pour l’égalité et contre le racisme. Cindy Pooch, chanteuse lyonnaise est là pour lier, encore un peu plus, les mondes du théâtre et du journalisme qui se croisent sur cette même scène, le temps de deux soirées. Baptiste Mayoraz vient orchestrer le tout par la musique et la vidéo présentes tout au long de cet objet artistique hybride.

La mémoire est le fil rouge de cette conférence théâtralisée. Alors qu’elle égrène des faits historiques et événements d’actualité (la journée commémorative de l’abolition de l’esclavage du 10 mai, la définition du terme “intersectionnalité”…) la journaliste, devenue performeuse, scande cette même question à l’adresse du public :  “Le saviez-vous ?” Avant d’enchaîner sur le luxe de l’ignorance lorsque l’on est épargné par les discriminations. Tout au long du spectacle, on retrouve pêle-mêle les différentes activités de Rokhaya Diallo: ses documentaires, ses interventions médiatiques et un plateau de podcast fictif. À cette occasion, les trois femmes sur scène en profitent pour chacune se situer “sur le plan racial”, comme les invitées de Rokhaya Diallo ont l’habitude de le faire dans son émission Kiffe ta race

crédit photo Bertrand Gaudillere

Nous passons un peu plus d’une heure et demi à apprendre, pour celles et ceux qui sont le moins sensibilisé·e·s, ce qu’est le racisme systémique, le nom des victimes de violences policières ou les noms des rues de Lyon qui honorent d’anciens militaires coloniaux. On perçoit la volonté de Lucie Berelowitsch de laisser toute la place à des sujets trop peu traités dans le monde du spectacle vivant, bien qu’en vogue dernièrement. On comprend aussi le besoin de mettre en avant des figures oubliées telle que Toumi Djaïdja, leader de la Marche pour l’égalité et contre le racisme qui a rassemblé “la France de toutes les couleurs” des années 1980, comme il le dit lui-même lorsque, invité d’honneur, il est convié à prendre la parole. La poétesse contemporaine Kiyémis est également mise en valeur par la lecture de certains de ces textes pendant la représentation. Une volonté de rendre hommage aux personnes qui luttent qui se fait à l’image de la programmation engagée du Théâtre Point du Jour Créer, c’est résister. Résister, c’est créer !”

crédit photo Bertrand Gaudillere

Et dans ce flot d’informations un poil trop généreux, la voix de Cindy Pooch vient retentir de ses reprises de Nina Simone, Lous and the Yakuza ou encore de ses propres compositions, venant créer des moments de beauté et de respiration.

À la toute fin de l’évènement, le public est invité à écrire sur un post-it une personne à laquelle il souhaite rendre hommage. En y jetant un œil, on peut voir des émouvants messages à des ami·e·s, grands-parents, mais aussi des noms connus comme Martin Luther King, ou ceux de militant·e·s antiracistes d’aujourd’hui. Après la représentation, j’entends Lucie Berelowitsch se demander à voix haute si le public de ce soir était “déjà conquis” ou s’il a appris des choses. Je tends encore un peu l’oreille, et j’écoute, les gens, ce qu’ils disent. Il débattent “Est-ce qu’on peut dire que la police est raciste ? Certes, il y a des policiers racistes mais…” La performance continue, en quelque sorte, dans le hall du théâtre. Et si l’esprit s’ouvre et que les langues se délient, c’est peut-être que le défi du Grand reporTERRE a été relevé.

Mélissa ANDRIANASOLO 

L’article Grand ReporTERRE #8: Débat sur la mémoire des luttes et du racisme  est apparu en premier sur Africultures.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Africultures 15848 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines