Au théâtre de la Tempête, un mardi pluvieux, on ne sait pas à quoi s’attendre de cette adaptation du mythe de Médée par Astrid Bayiha, dramaturge et comédienne d’origine camerounaise. Toutefois, dès le début de la pièce, elle nous transporte dans l’univers passionnant de Médée, un personnage fabuleux, fascinant et emblématique.
À travers une mosaïque d’émotions, un langage théâtral où mots, chants et poésie se mêlent, Astrid Bayiha propose une mise en scène de la tragédie de Médée, inspirée de 7 textes déjà existants, partant de Médée d’Euripide jusqu’à Médée, poème enragé de Jean-René Lemoine
Le chant et le désespoir de Médée l’accompagnent sur le chemin de l’exil, de la solitude et du rejet de Jason. L’empathie et la sensibilité d’Astrid Bayiha pour le personnage de Médée, femme aux origines mi-divines, mi-humaines, et interprétée ici tour à tour par Fernanda Barth, Jann Beaudry, Daniély Francisque et Swala Emati (dont la présence est rendue encore plus spéciale grâce à son chant), l’amènent à rendre plus humaine cette femme, dont l’âme est déchirée par l’exil et par l’histoire d’amour sur laquelle elle a fondé son existence.
Entre colère, lamentations et passions, accompagnés d’un coryphée (avec une superbe performance de Nelson-Rafaell Madel), les interprètes révèlent les multiples facettes des émotions et des désirs de Médée et de Jason. Pendant le spectacle, nous nous rapprochons de Médée et de ses émotions grâce à ses larmes, à ses gestes passionnels et répétés ainsi qu’au chant de Swala Emati et de Nelson-Rafaell Madel. Finalement, nous arrivons presque à comprendre l’atrocité de ses actions, conséquences de ses désirs de compréhension, d’affection et de liberté.
Les artistes, français et originaires du Liban, du Brésil, du Congo et de la Martinique, nous plongent dans cet ancien mythe tout en l’ancrant dans notre présent: les mots enragés et désespérés de Médée, femme exilée qui ne sait plus où se réfugier, nous rappellent la difficulté d’être migrant.e.s aujourd’hui. Avec M comme Médée, Astrid Bayiha veut nous dire que tout le monde peut être un exilé.e, que la migration et l’exil font partie de l’histoire de l’humanité.
Un espace nu, orné seulement de quatre bancs, un parquet de bois et de grands tissus; ce sont finalement les mots et les chants des artistes, récités en français, en créole, en grec et en portugais, qui occupent la scène et qui restituent au public la magie du mythe de Médée.
Marta Perotti
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