Solstice d'hiver...

Publié le 23 décembre 2023 par Eric Acouphene

 Texte de Sabine Dewulf

Solstice d'hiver... nous vivons, comme chaque année, en cette période, le grand seuil, désigné par René Guénon, féru de tradition, comme "la porte des dieux". 

J'aime beaucoup cette formule, liée au  mystérieux pouvoir du dieu Janus, divinité des portes, gardien des deux solstices ou portes de l'année, celle des hommes, en été, sous le signe du Cancer et de la Lune, et celle des dieux, en hiver, sous le signe du Capricorne et de Saturne, dieu des moissons, porteur de la faux tranchante, qui nous délivre du superflu, nous ramène à l 'essentiel, nous permet d'accéder à un niveau de nous-même insoupçonné. 

Le symbole est puissant. (Tout à l'heure, j'étais au rayon  d'une grande librairie, et je me disais : tiens, je ne vois ici aucun livre sur les symboles, sur la force initiatique de ces signes qui rôdent pourtant dans notre inconscient collectif... ) Ranimons un instant ce symbolisme qui tend à s'étioler...


Janus, nous le savons, nous offre deux visages. 

L'un d'eux - le visage de l'été, au moment où, paradoxalement, la graine de l'obscur est semée, où le soleil commence à décliner - se tourne vers la Terre, l'horizon toujours dérobé, où miroitent tant de nos illusions, le désir individuel, le projet d'existence, le goût de l'avenir, le pouvoir, en somme, d'incarnation dans le temps et dans l'espace - qui n'est nullement à négliger, précisons-le. C'est le visage de notre identité, indispensable, incontournable, même si nous le savons prisonnier du miroir, toujours perçu à bonne distance de nous-même et confondu avec ce que nous sommes en profondeur. C'est aussi la branche horizontale de la croix de notre destinée, l'accomplissement de l'ego. 

Son autre face est celle de l'hiver obscur, au coeur duquel renaît la lumière, toute frêle, pourtant invincible : c'est la clef qui ouvre le Ciel, la lumière étrange, secrète, presque imperceptible, constitutive de cet arrière-plan (arrière-pays, écrivait le poète Yves Bonnefoy) invisible qui nous anime tout en nous laissant croire que nous sommes les auteurs de nos actions. C'est le visage très pur (immense et transparent, disait Douglas Harding) de notre conscience, le pôle vertical, primordial parce que premier. Ce visage-là se tourne non pas vers le passé mais vers l'origine, l'essence même de notre être, jamais perdue mais toujours occultée, brouillée par notre vision à court terme, nos projections émotionnelles.  

La lettre Y est le temple de ce dieu si extraordinaire : équilibrée comme le Yin-Yang, elle ouvre ses deux branches, celle de gauche et celle de droite. C'est un arbre grand offert, une lettre double par ailleurs, mi-consonne, mi-voyelle. C'est un signe à deux voies - à deux voix. Ce  n'est pas un hasard si les Pythagoriciens lui accordaient une importance particulière. C'est une lettre hautement spirituelle, initiale du nom imprononçable de Dieu dans la Bible, de l'arbre mythique d'Yggdrasil, du Yoga sacré de l'Inde, dont les enseignements débordent tellement ce que nous croyons en connaître, en Occident. C'est également le Yod des Kabbalistes, le germe sacré par excellence. 

C'est tout simplement aussi là où nous sommes, le "y", le Lieu par excellence. Nous y allons, nous y demeurons, l'espace n'a aucune prise sur lui. Le temps non plus.

Alors, profitons de ce seuil éternel, où la lumière toujours se renouvelle. Puisons-y nos ressources, nos espérances, notre goût de l'ici-maintenant. 

Je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année !

Source : L'Oracle alphamythique - Sabine Dewulf et Antoine Charlet. Illustration de la carte : Marie Dewulf.

--------------------