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Les princes de Sambalpur

Publié le 16 décembre 2023 par Adtraviata
Les princes de Sambalpur

Quatrième de couverture :

Échouer à prévenir l’assassinat d’un prince n’est pas un fait d’armes dont peuvent s’enorgueillir le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, de la police de Calcutta. Piqués au vif par cet échec, l’inspecteur et son adjoint décident de suivre la piste des mystérieuses missives reçues par le prince jusqu’à Sambalpur, petit royaume de l’Orissa, célèbre pour ses mines de diamants. Le vieux maharajah, entouré de ses femmes, et de dizaines de concubines et enfants, paraît très affecté par la mort de son fils aîné, et prêt à accepter leur aide. D’omelettes trop pimentées pour les papilles anglaises au culte de l’étrange dieu Jagannath, en passant par une chasse au tigre à dos d’éléphant, Wyndham et Banerjee seront initiés aux mœurs locales. Mais il leur sera plus compliqué de pénétrer au cœur du zenana, le harem du maharajah, où un certain confinement n’empêche pas toutes sortes de rumeurs de circuler. Au-delà du suspense, une plongée au cœur des petits royaumes de l’Inde traditionnelle des années 1920, et une subtile analyse de l’impossible coexistence entre Britanniques et Indiens.

En plein Calcutta et sous les yeux du capitaine Wyndham et du sergent Banerjee, le prince héritier de Sambalpur Adhir Singh Sai, est assassiné par un prêtre de Vishnou qui se suicide peu après. Le prince venait de parler de lettres de menaces aux deux policiers. Très vite, ceux-ci comprennent que les ficelles de l’assassinat ont été tirées de Sambalpur, et même si l’enquête semble close avec l’arrestation du « cerveau », les deux hommes s’arrangent pour mener l’enquête au coeur même de ce petit royaume indépendant qui s’apprêtait à entrer dans la Chambre des princes, une sorte de Chambre des lords pour indigènes qui permet aux Anglais de contrôler ces royaumes (et aussi au passage, de tenter de s’accaparer leurs richesses).

A Sambalpur, c’est le dépaysement le plus total pour John Wyndham qui, tout ouvert d’esprit qu’il soit, va voir ses certitudes so british être mises à mal. Le vieux maharajah a trois épouses officielles, cent vingt-six concubines et un peu plus de deux cents cinquante rejetons déclarés, dont trois fils légitimes. L’aîné étant décédé, c’est son frère cadet Punit qui devrait accéder au trône. Comme il n’a pas du tout les mêmes idées politiques que son frère, il semble être le commanditaire de l’assassinat d’Adhir mais sont également le premier ministre, le chef de la sécurité du palais, sans compter peut-être l’une ou l’autre femme du zenana (le harem du maharajah). A Sambalpur, c’est le sergent Banerjee qui est responsable de l’enquête (on n’est pas sous la juridiction de Calcutta) et ses compétences en comptabilité seront bien utiles. Funérailles mystiques, réceptions somptueuses, diamants et pierres précieuses, chasse à dos d’éléphant et autres rituels cruels, l’exotisme est de mise dans cette enquête basée sur la véritable histoire des bégums de Bhopal, une dynastie de reines musulmanes qui ont gouverné l’état princier la culture Bhopal de 1819 à 1926.

On y apprend donc plein de choses sur le plan politique de la colonisation indienne mais aussi sur les coutumes religieuses, la culture des maharajas et maharanés, et on goûte l’humour so british de notre narrateur préféré, le capitaine Wyndham. Nul doute que je retrouverai John et Sat avec un grand plaisir.

« Certains considèrent comme de mauvais goût qu’un sahib cohabite avec un indigène. D’autres y voient une excentricité. De toue façon, cela m’est indifférent. Sat voit le monde avec un optimisme que j’ai perdu, et une sensibilité orientale qui défie mes notions anglaises souvent préconçues. Je trouve sa présence rafraîchissante et ceux à qui cela ne plaît pas peuvent aller au diable. » (p. 39)

« Le maharadjah reste silencieux, mais ses émotions se lisent sur sa figure. Et l’idée d’une intervention britannique dans les affaires de son royaume lui fait horreur, mais il s’agit de la mort de son fils, ce qui veut dire que les règles ordinaires ne s’appliquent pas. Et puis il y a ces deux mots magiques : Scotland Yard. J’ai toujours été stupéfait de voir l’importance que les gens accordent à cet organisme, en croyant à l’omniscience de ses officiers comme les populations primitives à celle de leurs sorciers. Je ne m’en plains pas. » (p. 104)

« Pour autant que je sache, les femmes de Calcutta portent à peu près la même chose que l’année dernière et probablement l’année d’avant. La masse de jupons, corsets, robes à la cheville et sous-vêtements de flanelle que nos femmes s’obstinent à porter même dans la chaleur stupéfiante de l’été me paraît pure folie. Elles pourraient apprendre deux oi trois choses des indigènes, mais naturellement c’est hors de question. Après tout, nous sommes britanniques. Nous avons des principes. Ainsi, nos femmes et nous devenons à moitié fous en portant assez d’épaisseurs de vêtements pour pouvoir prendre le thé confortablement à mi-pente de l’Himalaya. »

« Un Anglais a horreur de partager ses pensées intimes, c’est un fait. C’est pourquoi nous avons accepté la Réforme aussi volontiers : nous avons du mal à nous confesser, même à un prêtre. Et si nous répugnons à nous ouvrir à un homme de Dieu, nous sommes totalement incapables de le faire devant un indigène. Ce serait un signe de faiblesse. » (p. 259)

« Le prince ne s’anime que lorsque la conversation s’oriente vers la chasse. Carmichael commence à raconter les événements de la journée au dewan qui, je le reconnais, feint admirablement de s’y intéresser. Puis viennent les récits des chasses précédentes de Carmichael au cours desquelles il semble avoir tué à peu près tous les animaux qui ont eu la malchance de croiser son chemin, de l’antilope au buffle, à l’instar du roi des Belges Léopold au Congo. Comme je m’ennuie, je passe quelques instants agréables à imaginer à quoi ressemblerait sa tête empaillée sur un mur. (p. 280-281)

Abir MUKHERJEE, Les princes de Sambalpur, traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle, Liana Levi, 2020


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