Guy Marchand, décédé hier à l'âge de 86 ans, n'était pas vraiment un grand acteur de cinéma, ni même une grande vedette de la chanson. Mais sa voix chaleureuse de crooner sorti d'une autre époque et sa présence répétée au petit et au grand écran ont fait de lui une présence attachante et rafraichissante au sein d'un " star system " qu'il n'a du reste jamais vraiment embrassé, préférant rester dans les marges et faire ce qui lui plaisait.
Né à Paris le 22 mai 1937 dans le populaire quartier de Belleville, Guy Marchand a mené de front avec un égal bonheur les carrières de chanteur populaire, de musicien de jazz réputé et d'auteur de romans. Sa popularité radiophonique remonte au milieu des années 1960, avec l'hispanisante " La Passionata ". Il aura deux autres " hits " majeurs : la rigolote " Moi je suis tango ", enregistrée en 1975 et la sirupeuse " Destinée ", que Vladimir Cosma avait écrite pour la bande originale de Les Sous-Doués en vacances et qui se retrouve aussi dans une scène mémorable de Le père Noël est une ordure. Ce fut sans doute le plus grand succès de Guy Marchand, mais comme il trouvait la chanson trop commerciale il lui a vite tourné le dos au point de ne jamais l'inclure dans ses tours de chant, malgré les demandes répétées du public.
En tant qu'acteur de cinéma, Guy Marchand a joué, jusque tout récemment, dans une soixantaine de longs métrages de fiction. Parmi ses rôles marquants, signalons : Boulevard du Rhum de Robert Enrico, son premier rôle au grand écran (1971), Une belle fille comme moi de François Truffaut (1973), Cousin, cousine de Jean-Charles Tacchella (1975), Tendre Poulet de Philippe de Broca (1977) ou encore de Maurice Pialat (1980).
Acteur de soutien efficace, il aura gagné ses lettres de noblesses avec deux films deux sortis en 1981 : Coup de torchon de Bertrand Tavernier et de Claude Miller. Grâce à ce dernier, dans lequel il était un inspecteur " baveux " collègue de l'intraitable Lino Ventura, Marchand mettra la main sur le César du meilleur acteur dans un second rôle, venant ainsi conclure une décennie faste et prometteuse. La suite sera toutefois un peu moins probante, à l'exception de quelques films réussis comme Mortelle randonnée de Claude Miller (1983), L'été en pente douce de Gérard Krawczyk (1987) ou de Christophe Honoré (2006).
Mais pour beaucoup, Guy Marchand est et sera toujours Nestor Burma, détective privé inventé au début des années 1940 par le romancier Léo Malet. Il l'avait incarné pour la première fois dans Nestor Burma, détective de choc, comédie de Jean-Luc Miesch sortie en 1982, et le retrouvera entre 1991 et 2003 dans les séries Nestor Burma, composées d'une quarantaine d'épisodes de 90 minutes qui ont fait les belles heures du " prime-time " de France 2.
Costume bleu et feutre mou, ce redresseur de torts désinvolte correspondait parfaitement à l'allure flegmatique et à la gouaille de Guy Marchand, qui restera dans nos coeurs comme l'incarnation parfaite de ce Marlowe à la française, adepte de bonnes blagues et de jolies filles.