Dès le premier chapitre, l’auteur décrit la situation désolée de la Palestine à cette époque : un tiers des terres n’est pas cultivé, 3% environ de la population sait lire et écrire, sur environ 470000 habitants dont environ 25000 Juifs résidant essentiellement en ville, 800 villages. L’organisation palestinienne est dominée par des clans : une oligarchie de quelques grandes familles comme les Husseini et les Nashashibi, qui se combattent.
La méthode de culture repose sur un système collectif de rotation des terres afin que chacun puisse profiter des meilleurs parcelles. Mais en 1858 le code foncier ottoman liquide les usages collectifs et fait triompher l’exploitation individuelle. Cette nouvelle donne foncière provoque l’appauvrissement de la paysannerie, bientôt contrainte de revendre son lopin pour éponger ses dettes. Des terres qui, petit à petit, sont vendues à de grandes familles ou à des immigrants juifs.
Au départ, ces émigrants proviennent principalement d'Europe orientale. Le développement du mouvement sioniste et l’appui de la diaspora américaine permet le financement de vagues successives de peuplement, malgré la réticence acharnée des Britanniques auxquels la Société des Nations a donné mandat sur la Palestine en 1919.
Le Congrès islamique tenu à Jérusalem en 1931 constitue une étape importante : celle de l’islamisation de la cause palestinienne, l’Islam étant considéré comme un facteur d’unification plus puissant que le nationalisme. L’intensification de l’immigration juive à partir de 1932, puis l’arrivée des rescapés de la Shoah radicalise la position arabe.
La suite est celle d’une guerre toujours en cours, les deux parties refusant absolument tout compromis. Assassinats des personnalités enclines à une négociation, attentats, torpillage de toute tentative de coopération entre les communautés, refus successifs de tout plan de partage … L’horreur et la cruauté ostentatoire que l’on croit découvrir aujourd’hui émaillent toute la période. Le nombre des victimes, des deux côtés, est impressionnant.
Pendant la guerre qui accompagne l’établissement de l’Etat d’Israël, la population palestinienne fuit devant les combats ou est expulsée par les Israéliens qui redoutent une « 5ème colonne » à l’arrière du front. C’est pour cette raison que le retour des réfugiés est impossible, tandis que les pays arabes considèrent que les intégrer signifierait la reconnaissance de l’Etat d’Israël qu’ils souhaitent repousser à la mer. Ils sont donc regroupés dans des camps, financés par les organisations internationales.
Entre l’attitude de la puissance mandataire, les ambitions du roi Abdallah et les intentions d'expansion au Neguev de l’Egypte, toutes les parties rejettent toutes formes d’accord, tandis que les Palestiniens sont mis à l’écart des pourparlers entre les grandes puissances comme à l’ONU.
Ainsi se fige un conflit qui s’éternise : ni réinstallation, ni compensation financière des expulsés, ni frontières reconnues mais deux nationalismes se disputant une même terre, deux sociétés séparées qui s’ignorent et se haïssent, animées par des logiques également légitimes … Et les horreurs d’une guerre sans pitié, qui ne finit pas.
Les origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), par Georges Bensoussan, collection Que sais-je, 128p., 10€