L'impératrice a-t-elle rencontré le pape Léon XIII lors de son séjour italien à l'automne 1890 ? La plupart des journaux avancent que non, arguant des problèmes diplomatiques qu'aurait posé la présence de l'impératrice à Rome. Certains journaux évoquent une éventuelle visite secrète.
Coupure de presse du journal Le Lorrain du 12 novembre 1890.
AUTRICHE. L'impératrice d'Autriche en Italie.On écrit de Rome au Monde:
Le Correspondenz Bureau [en fait Korrespondenz], de Vienne, a prétendu démentir la nouvelle que je vous avais télégraphbiée de l'intention manifestée par S. M. l'impératrice d’Autriche-Hongrie, à l'occasion de son voyage en Italie, de venir jusqu'à Rome et de profiter de l'absence de la cour du Quirinal pour aller directement chez le Pape. La feuille viennoise prend la peine de démentir aussi que « l'idée de cette visite ait été abandonnés à la suite d'observations du comte Revertera, ambassadeur d'Autriche-Hongrie près le Saint-Siège ». Évidemment, ce n’est pas de là que sont venues les observations, mais du gouvernement italien, qui, à la veille des élections,craignait de voir les radicaux se faire une arme de cette visite de l'impératrice et en prendre sujet de rappeler une autre visite que l'empereur d’Autriche-Hongrie n’a jamais voulu rendre au roi Humbert au Quirinal.La Tribuna commente dans le même sens le prétendu démenti du Correspondenz Bureau et ajoute que l'impératrice a adressé de Florence à S.S. Léon XIII une lettre très dévouée, où elle s'excuse de ne pouvoir venir en personne lui offrir l'hommage de son filial attachement.Le Moniteur de Rome dit à ce sujet :Nous ne comprenons pas pourquoi le Correspondenz Bureau a publié ce démenti. Une seule chose nous paraît sûre, dans cet incident : c'est que l'Italie officielle a mis tout en mouvement pour exercer une de ces pressions dont elle est coutumière, trop coutumière, même de l'avis de ses amis. Le Pape, le Pape, le Pape, voilà l'éternelle et obsédante préoccupation de nos grands hommes d'Etat. À la dernière heure, je trouve sur ce même sujet dans le Diritto les réflexions suivantes :De nos informations prises ici et à Vienne, il résulterait que l’impératrice Elisabeth s'était proposé comme véritable but de son voyage la visite au Pape, qu'elle avait décidée depuis longtemps, mais qu'elle avait dû s'en abstenir sur les recommandations du comte Kalnoky, auquel M. Crispi fait comprendre l'effet désastreux qui aurait résulté de cette visite pour le ministère italien, au moment des élections.Nous savons aussi que M. Crispi ne se croyait pas en mesure de garantir l'impératrice, dont les sentiments anti-italiens sont connus, contre quelque démonstration hostile qui aurait pu avoir lieu à Rome; et par là, en même temps qu'il méconnaissait les qualités éminemment hospitalières de notre population, il montrait assez bien de quelles sympathles jouit parmi nons sa grande amie l'Autriche.Telles sont les vraies causes pour lesquelles l'impératrice ne s'est pas rendue à Rome et chez le pape.C'est le cas de s'écrier encore une fois: oh! la belle alliée ! oh ! la belle alliance ! J.B.V.
Donnons encore, à titre d’information et sous toutes réserves, la dépêche suivante de Londres : Le Truth prétend savoir de source sûre qu'en dépit des efforts faits à Vienne pour l'en empêcher, l'impératrice d'Autriche aurait rendu incognito une visite au Pape à Rome. Elle serait partie soudainement de Florence, accompagnée seulement de deux personne de sa sûite ct deux domestiques, serait descendne à Rome à l'hôtel de Russie sous le nom de Mrs Nicholson, aurait envoyé de là un télégramme chiffré à l'empereur, n'aurait avisé de sa présence que l'ambassadeur auprès du Vatican, et non pas celui auprès du Quirinal, et aurait été reçue en audience privée par Léon XIII le lendemain même de son arrivée. On aurait donné à Vienne et à Londres les ordres lea plus stricts pour dissimuler et, au besoin, pour démentir officiellement cette visite.
Le Guetteur, journal de Saint-Quetin, ajoute le 18 novembre :
Rome, 16 novembre. M. de Brugg, ambassadeur d’Autriche au Vatican, se serait rendu dernièrement à Naples pour engager l’impératrice Elisabeth à ne pas rendre visite au pape, comme elle en avait, paraît-il, l’intention. On raconte que M. Crispi, craignant un coup de tête de l’illustre voyageuse, aurait obtenu le retour prématuré de la famille royale à Rome, imposant ainsi à l’impératrice une visite au Quirinal et la mettant ainsi dans l’impossibilité, selon 1'usage, d’en rendre une au Vatican. On ajoute que M. Crispi a dit à ses familiers : « Si l’impératrice vient à Rome sans visiter la famille royale, je ne réponds pas de l'ordre. »Le Temps du 18 novembre :
L'ambassadeur d' Autriche-Hongrie près le Quirinal, M. le baron de Bruck, est parti pour Naples, où il va conférer avec l'impératrice Elisabeth, actuellement dans cette ville.On dit, d'une part, que l'ambassadeur essayera de détourner l'impératrice de faire une visite au pape, même en gardant l'incognito le plus strict ; et, d'autre part, on prétend que M. Crispi a décidé l'ambassadeur à faire une démarche auprès de sa souveraine pour la décider à presser l'empereur François-Joseph de rendre au roi Humbert la visite depuis si longtemps attendue. Cette seconde version, qui prête un bien singulier rôle à M. de Bruck, est peu acceptable.
La Justice du 20 novembre confirme :
L'impératrice d'Autriche en ItalieNous lisons dans le Moniteur de Rome du 18 novembre :La Tribuna annonce que M. le baron de Brück, l'ambassadeur d'Autriche près le Quirinal, est revenu hier de Naples, où il a offert ses hommages à l'impératrice Elisabeth.Ce que La Tribuna ne dit pas et ne peut pas dire, c'est que M. de Brück est allé, sur les instances de M. Crispi, rendre visite à la noble souveraine, dans le but d'exercer une pression sur elle, afin qu'elle ne vienne pas à Rome. M. Crispi aurait déclaré que, si l'auguste impératrice se hasardait jusque dans notre ville, le gouvernement ne répondrait pas de l'ordre.