L'Art poétique en Créateur
Et Dieu vit la lumière et elle était bonne
Genèse 1:4
Parce que l'aile jaune du papillon
qui tremblait dans la boue noire
était un mot
abandonné par sa langue.
Parce que personne d'autre
ne viendrait — & que j'étais à court
de raisons.
Alors j'ai pris des poignées
de cendres, noires comme l'encre,
les ai martelées
pour former une moelle,
un crâne assez
épais pour abriter
la douce malédiction
des rêves. Oui, je cherchais
la grâce —
Mais tout ce que j'ai su faire
c'est bâtir une cage
autour du coeur. Des volets
sur les yeux. Oui,
je lui ai donné des mains
même si je savais
que pour étirer cette motte d'argile
en cinq lames de lumière,
j'irais
trop loin. Parce que moi aussi,
j'avais besoin d'un lieu
qui m'enlace. Alors j'ai plongé
à nouveau mes doigts
dans le feu, forcé
le menton à s'ouvrir
jusqu'à ce que la plaie s'élargisse
en gorge,
jusqu'à ce que chaque feuille tremble argentée
sous ce cri sacré
-ment atroce
& j'avais fini.
& c'était humain.
Texte de Ocean Vuong, traduit par Marguerite Capelle, extrait du livre Le temps est une mère (éd. Gallimard)