Elle souligne tout d'abord dans cet entretien que l'Assemblée constituante vaudoise a voté "très clairement contre" à deux reprises et que "le Grand Conseil vient également de se prononcer contre le libre choix au sein de l'école publique". Ce n'est pas un argument : ce que la démocratie indirecte fait, la démocratie directe peut très bien le défaire.
L'une des principales raisons de son opposition "farouche" au chèque scolaire "repose sur le fait que seule l'école publique est fondée par le débat démocratique. La loi scolaire est adoptée par le Grand Conseil, parfois même par le peuple, et donc l'école publique, financée par l'argent public, est contrôlée par la démocratie, fondée par la démocratie".
Examinons ce dernier argument. La démocratie peut très bien s'exercer autrement que par les canaux classiques que sont le Grand Conseil ou "parfois même" le peuple - j'aime ce "parfois même" révélateur. En effet qui sont les personnes les mieux à même de décider ce qui est bel et bon pour la formation des enfants ? Telle est la seule question.
Qui sont les mieux placés, quel que soit leur propre niveau de formation, pour décider ? Sont-ce les politiciens ? Les technocrates ? Les enseignants ? Les prétendues élites ? Le peuple dans son ensemble, qui comprend aussi bien des personnes qui ont des enfants que celles qui n'en ont pas ? Non pas. Seuls les parents sont les personnes qui sont vraiment bien placées pour ce faire, parce qu'ils veulent vraiment ce qui est le mieux pour eux.
Le chèque scolaire - que d'aucuns appellent "bon scolaire" ou "chèque de formation" pour semer la confusion - est certainement le moyen le plus démocratique qui soit, puisqu'il donne le libre choix de l'école aux parents. Ils n'ont pas à attendre quatre ans pour exprimer leur choix. Ils peuvent le faire tous les ans et ils peuvent décider en fonction des résultats qu'ils attendent de l'école pour leurs enfants.
Avec le chèque scolaire, les écoles, publiques ou privées, sont mises en concurrence (voir mon article Le chèque scolaire contraindrait l'école publique à l'excellence ) et le contrôle s'effectue directement par les intéressés sans qu'il soit besoin de conseillère d'Etat ou de députés. C'est certainement là où le bât blesse pour tous ces bons politiciens qui prétendent décider de tout. Avec le chèque scolaire ils deviennent inutiles ou presque. Il ne leur reste plus qu'à proposer et voter les fonds nécessaires.
"L'école républicaine, par la mixité sociale qu'elle propose est le creuset de la société" déclare la ministre vaudoise, qui ajoute : "Ils (les enfants) vont à l'école qui se situe là où ils habitent". Ce qui veut tout simplement dire qu'ils n'ont pas le choix. Ils doivent rester là où ils sont et n'en pas sortir, sous aucun prétexte. Carte scolaire oblige. A une époque de grande mobilité ces paroles apparaissent pour ce qu'elles sont : d'un conservatisme ringard, totalement désuet.
On ne voit d'ailleurs pas comment l'école républicaine favorise la mixité sociale puisqu'en définitive l'école privée, dans ce sytème "républicain" (?), demeure réservée aux riches élèves. Le chèque scolaire fait sauter cette barrière. Il permet à des enfants qui ne se seraient jamais rencontrés de se côtoyer à l'école et de nouer des relations improbables autrement.
Tous ces propos de la ministre socialiste montrent qu'en réalité elle est prisonnière, sans doute de par ses origines partisanes, d'une idéologie dans laquelle l'Etat est là pour tout ordonner, tout agencer, tout décider à la place des autres sous prétexte qu'il sait mieux que tout le monde ce qui est bon et qu'il a la science infuse, c'est-à-dire infusée par ses hifis (terme emprunté à Michel de Poncins).
En réalité les inconditionnels de l'Etat, et de ses prétendues vertus, craignent plus que tout que l'exercice de nouvelles libertés ne remettent en cause son rôle dans des domaines qui ne devraient pas être les siens.
Francis Richard