Mosaïques de la coupole du Baptistère St-Jean-Baptiste à Florence (vers 1280)
En ce temps-là, Jean-Baptiste entendit parler dans sa prison des œuvres merveilleuses de Jésus-Christ, et il lui envoya deux de ses disciples pour lui dire : « Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons- nous en attendre un autre » ? Jésus leur répondit : « Allez, racontez à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu » : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l’Évangile est annoncé aux pauvres ; et heureux celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale et de chute ! Comme ils s’en retournaient, Jésus se mit à parler de Jean et dit au peuple : « Qu’êtes-vous allé voir dans le désert ? un roseau agité par le vent ? Mais qu’êtes-vous allé voir ? Un homme vêtu mollement ? Vous savez que ceux qui s’habillent de la sorte sont dans les palais des rois. Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ! Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète, car c’est de lui qu’il est écrit : J’envoie devant vous mon Ange, qui vous préparera la voie. »
Explication du texte (extraits d'un sermon prononcé en 1919 à Boulogne-sur-mer)
« En ce temps-là » : c'est-à-dire après le choix définitif des apôtres et le sermon sur la montagne, dans la deuxième année de la vie publique de Jésus.
« Jean-Baptiste entendit parler dans sa prison des œuvres miraculeuses de Jésus-Christ » : la prison de la citadelle de Machærus,bâtie sur la limite méridionale de la Pérée, non loin de la mer Morte. Il y était enfermé depuis près d’un mois, par ordre du tétrarque Hérode Antipas, auquel il avait reproché d’avoir auprès de lui la femme de son frère. Ses disciples vinrent le visiter, et lui parlèrent des œuvres miraculeuses de Jésus de Nazareth. Ils lui apprirent sans doute qu’il avait naguère rendu toute sa vigueur à une main desséchée, guéri de nombreux malades près de la mer de Galilée, qu’il venait de rendre la santé au serviteur d’un centurion et de ressusciter le fils de la veuve de Naïm. Ces merveilles réjouirent Jean-Baptiste.
« Et il lui envoya deux de ses disciples pour lui dire « : Êtes- vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». « Celui qui doit venir » est une locution employée pour désigner le Messie. Mais comment le Précurseur peut-il faire adresser cette étonnante question à Jésus-Christ, puisqu’il l’a reconnu lui même pour le Messie et montré aux autres ? Toute question n’exprime pas une incertitude, souvent on donne une forme interrogative à une affirmation, ou à une interpellation. La question adressée à Jésus est peut-être posée uniquement pour ses disciples, qui sont trop attachés au Précurseur et le préfèrent au Christ, qu’ils ne reconnaissent pas. Saint Chrysostome commente que Jean-Baptiste profite des premiers miracles qu’il apprend de Jésus pour envoyer deux de ses disciples juger par eux-mêmes de l’immense différence qu’il y a entre le Christ et lui. Ils arriveront tout à propos, car ils trouvent Jésus guérissant un grand nombre de malades, délivrant des possédés du démon, et rendant la vue à beaucoup d’aveugles, c’est-à-dire accomplissant la prophétie d’Isïae relative au Messie. C’est là la réponse qu’il leur donne pour celui qui les a envoyés
« Allez, leur dit-il, racontez à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, etc. ». Ce qu’ils ont entendu et ce qu’ils ont vu prouve que Jésus est le Messie attendu.
« Qu’êtes-vous allés voir dans le désert, dit-il ? Un roseau agité par le vent ? Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mollement » ? Le désert auquel Jésus-Christ fait ici allusion était le désert de Juda, situé à l’Ouest de la mer Morte et de Jourdain. Ce mot désigne dans l’écriture, non une contrée complètement aride et désolée, mais une région peu habitée et à peu près inculte, quoique riche en pâturages. Le roseau est, par sa flexibilité, l'image des esprits mobiles et inconstants. Jean n’est pas de ceux-là. La foule le sait fort bien. Aussi sa réponse est-elle supposée négative, comme l’indique la particule mais, par laquelle commence la question suivante. Jean- Baptiste n’est donc pas un homme vacillant dans sa foi. Il n’est pas non plus une âme sensuelle et efféminée, dont les vêtements mous et délicats sont le symbole. Ces sortes d’âmes sont dans les palais des rois, qui n’envoient des ambassades que par intérêt ; mais quand à Jean, il a envoyé la sienne pour de tout autres motifs : il s’est proposé de continuer à remplir sa mission en manifestant le Messie du fond de la prison où il est enfermé. C’est ce que va montrer Jésus-Christ en disant ce qu’est le Précurseur, dans sa réponse à la troisième question qu’il adresse à son auditoire : « Qu’êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète, car c’est de lui qu’il est écrit : J’envoie devant vous mon ange, qui vous préparera la voie. » Voilà ce qu’est Jean : il est prophète, plus qu’un prophète, il est le Précurseur annoncé par le prophète Malachie. Un prophète est un homme envoyé de Dieu pour prédire l’avenir et annoncer le Messie. Jean était envoyé de Dieu et il annonçait que le Messie venait d’arriver. Il était donc prophète. Il était plus que prophète, par conséquent plus qu’Élie, qu’Isaïe, que Jérémie, etc. Et d’abord par l’annonce qui a été faite de lui, car il a été prophétisé ; puis par sa naissance, puisqu’il a été sanctifié dès le sein de sa mère ; ensuite par les vertus, qu’il a possédées dans leur ensemble à un degré éminent : humilité profonde, zélé ardent, mortification étonnante, virginité jointe au martyre, etc ; et enfin par son ministère, car les autres prophètes se sont bornés à annoncer le Messie, tandis que Jean l’a montré du doigt et l’a baptisé dans le Jourdain. Enfin il est « l’ange qui préparera la voie », c’est-à-dire le précurseur annoncé par le prophète Malachie, qui l’avait prédit quatre siècles à l’avance.