L'amoureuse m'avait dit qu'elle voulait venir avec moi à l'entrepôt Costco, dimanche dernier.
Généralement j'y vais seul. Je suis fort habile à m'y retrouver et à me faufiler dans la jungle du Costco des week-ends. Il n'y a que deux possibilités. À l'ouverture, que peu savent qu'elle se fait parfois 30 minutes plus tôt (quitte à attendre un peu) toujours au moins 15 minutes avant l'heure affichée. Ou 30 minutes avant la fermeture, mais les dimanches, passé 15h00, on est pas mal dans nos maisons, l'amoureuse et moi, en général.
Interdits au monde extérieur.
Si le Costco n'est pas fréquenté de notre part à ces heures là, dans mon coin de vie, il faut accepter que ce soit incirculable, irrespirable, intolérable, voire tendu et hostile. C'est pas des adjectifs de week-ends. Surtout à ce temps-ci de l'année. Avec mon flair et ma stratégie exposée plus haut, je ne prends pas plus que la demie heure pour réussir à trouver tout ce que j'allais y chercher. Il fallait donc, si elle voulait m'accompagner, qu'elle accepte qu'on s'y rende pour 8h15, AM. Y aller
my way. Je ne voulais pas y perdre ma journée. Elle ne voulait pas. Elle voulait se reposer. J'ai eu beau lui dire qu'on ne va pas au Costco si on veut se reposer, elle ne voulait pas. J'étais déterminé, on irait à 8h15, au pire, moi tout seul.
Vers 6h30 le dimanche matin, mon corps me disait de me lever. Ce que je ne faisais pas. J'étais couché, téléphone en main et je rattrapais tous les textos, instagrams, snap, Tiki Tok, Threads auxquels je n'avais pas tellement porté attention samedi. J'avais omis de voir plusieurs textos alarmés d'amis qui parlaient de Daniel Langlois au passé. J'y apprenais soudain le triste destin de Daniel Langlois et Dominique Marchand. Trouvés morts, en Dominique, dans une voiture incendiée, la marque des tueurs à gages. Ce qui a semblé se confirmer dans les jours qui ont suivi.
Ce sont de gens formidables qui ont trouvé cette mort absurde et précipitée.
Ça m'a ralenti et Costco n'a pas été investi avant 9h00 du matin. J'ai revisité mentalement le passé. Quand on croisait Daniel à son cinéma l'Ex-Centris. Qu'il était si accessible. Si sain. Je ne connaissais pas Dominique Marchand mais les gens sains attirent les gens sains. Elle a l'air de quelqu'un d'excessivement bien aussi. Langlois avait fondé Softimage quand j'étais en secondaire III. En 1986. Il avait vendu son logiciel d'animatiom 3D en 1994 pour plus de 200 millions. Le fruit de ces prouesses ont servi dans les films
Jurrasic Park,
The Matrix,
Men in Black,
Titanic,
Twister,
Star Wars-Episode I-The Phantom Menace,
The Mask, les
Harry Potter,
Pirates of the Caribbeans, les
Lord of the Rings et
La Cité des Enfants Perdus.
En 1997, il lancait le 357C, club privé du Vieux-Port. La même année, une fondation portant son nom est créée afin de favoriser les rapprochements entre art, sciences et technologies. L'académie des Oscars, aux États-Unis, lui remettra un prix technique pour ses créations. Deux ans plus tard, il ouvre le cinéma Ex-Centris sur la rue St-Laurent. J'y ai passé des heures entre amis à y voir du cinéma de répertoire et du cinéma plus rare. À une époque où l'offre des films était nettement plus variée. On se faisait parfois croire qu'il était un des nôtres quand on le voyait passer. Nous étions cinéastes en devenir mais lui était devenu. Et en quelque sorte, pour aimer ce qu'il aimait, il était des nôtres. Il n'était pas aussi homme d'affaires qu'artiste, à la base. Il a brillé dans les deux sphères. Il avait aussi acheté le cinéma parallèle, qui était un cinéma plus niché, pas grand public. Avec Claude Chamberlan qui lui, se trouvait au coeur de nos amitiés partagées et qui était aussi directeur de la programmation du Ex-Centris. On était jeunes et vibrants et ces deux-là nous animaient. L'amoureuse et moi y avons vu la première du
Fabuleux Destin D'Amélie Poulain. J'ai aussi participé au Festival du Nouveau Cinéma qu'il avait co-fondé avec Chamberlan.
C'était impressionnant de voir autant d'argent se dégager de Langlois dans un milieu (le cinéma) qui en a si peu à sa disposition. Du moins, au Québec. Il était un peu notre Jean-Paul Sartre de Saint-Germain-des-Prés. Il n'avait rien de prétentieux. Il était sacro-saint mais atteignable. Et donnait généreusement. Comme avec l'ONG qu'il avait fondé suite au passage de l'ouragan Maria, en 2017, en Dominique.
C'est aussi en Dominique qu'ils avaient lancé, Dominique Marchand et lui leur
projet hôtelier écologique et autosuffisant, projet écoresponsable et de développement durable majeur, ouvert l'an dernier.
Est-ce que le couple transpirait trop le succès et la richesse ? L'arrogance s'est elle invitée dans les rapports d'affaires ? Trois personnes d'intérêts sont interrogées par les autorités de la Dominique. Dont un voisin, homme d'affaires aussi et prétendu rival. Jonathan Lehrer, et sa femme. Une 4ème personne est questionnée.
Ce titan du monde des affaires Québécoise et sa conjointe sont morts vainement. Salement.
On saurait ce qui s'est passé puisqu'on parle d'un "incident dévastateur" qui serait survenu jeudi soir. Ils ont été retrouvés morts le lendemain et se serait le suite de ce qui serait passé jeudi soir.
Moi qui vous écrivait avant hier que novembre avait été trop mortel, vivement décembre...
Le 1er du mois, on les retrouvait pécocement soustraits à la vie. Au paradis.
Claude Chamberlan habitait la même rue que Langlois. Claude peinait à joindre les deux bouts, il rêvait de cinéma et croyez-moi, en cinéma, on ne fait que courir après les sous. Langlois, fraichement multimilionnaire, lui avait dit "T'en fais pas, Claude, ton rêve, on va le faire".
Ça dit tout de Daniel Langlois. Personne ne mérite de mourir comme Dominique & Daniel.