L'assurance enfouie (ou embarquée, ou invisible… ou « embedded », en anglais) est un sujet à la mode mais sa définition même semble encore floue, si j'en crois, par exemple, cette réflexion du directeur général de l'AssurTech américaine Mylo. Voici pourquoi je ne partage pas son point de vue (et mon raisonnement vaut pour la banque).
Selon David Embry, l'idée d'intégrer une couverture au cœur d'un parcours client, via une souscription en un clic, serait parfaitement adapté aux produits et circonstances simples, tels que l'achat d'un gadget électronique, l'organisation d'un voyage, l'adoption d'un animal de compagnie… (incidemment, toutes les gammes où le principe existe depuis des lustres), mais ne conviendrait absolument pas aux cas plus complexes : décès, habitation, automobile, entreprise et autres activités professionnelles…
Dans un réflexe terriblement convenu, à travers lequel il veut absolument préserver le rôle de l'agent dans l'analyse approfondie des besoins de son interlocuteur, il prétend réduire la notion d'assurance enfouie à l'accès à une expérience fluide et transparente permettant d'assembler toutes les solutions nécessaires afin d'apporter une réponse optimale à chaque client (pas seulement basée sur le prix le plus bas). Elle s'adresse alors aux intermédiaires, qui seuls disposent de l'expertise requise pour la fournir.
Une telle pirouette, observée fréquemment parmi les acteurs traditionnels, est évidemment très commode pour éviter de remettre en question les pratiques historiques de l'industrie, en focalisant l'attention sur des efforts d'optimisation de leur efficacité, sans aucune rupture. Malheureusement, elle balaie la réalité du concept initial. Ce faisant, elle passe totalement à côté de ses opportunités et, vraisemblablement de la transformation radicale qu'il engendrera à plus ou moins brève échéance.
La première erreur de l'approche suggérée, et la plus grave, est la perte de vue de l'objectif réellement visé, à savoir la capacité à offrir une protection dans le contexte d'une action ou d'un événement, indépendant de l'assurance, dont on profite pour caractériser précisément le besoin à satisfaire, mieux sensibiliser aux enjeux d'une garantie et simplifier la procédure de contractualisation. Le meilleur moment pour la souscription n'est pas le rendez-vous avec un spécialiste mais l'apparition d'un risque.
Dans l'exemple évoqué par D. Embry, le responsable d'entreprise qui part de zéro en la matière et se fait accompagner par un agent dans l'exploration de toutes les options à sa disposition n'a que faire de ces facilités. Mais n'y sera-t-il pas plus sensible quand il commandera un nouvel équipement ou lors d'une transaction commerciale cruciale, avec, à chaque fois, le danger d'omettre de solliciter son assureur actuel ? Et que dire enfin des petites structures qui, faute de volume d'affaires potentiel suffisant, ne bénéficieront jamais de conseils personnalisés de la part d'un professionnel ?
En arrière-plan, un biais extrêmement répandu est à l'œuvre, qui voudrait que l'accompagnement par un humain dans les démarches complexes soit systématiquement la panacée, en oubliant qu'il peut difficilement être toujours disponible quand l'opportunité se présente, soit par impossibilité (technique ou économique) de fournir un service de qualité à tous, soit en raison de la distance infranchissable (temporelle ou mentale) qui sépare le conseilleur du vécu du client. A contrario, ce sont d'excellents arguments en faveur de l'assurance enfouie pour tous les produits.