Quasiment inconnues du public il y a deux ans, Laura Samsonova et Wakana Sonobe n'auront mis que quelques mois pour se faire un nom sur la scène internationale. Aujourd'hui sous le feu des projecteurs, la tchèque et la japonaise, du haut de leurs quinze ans, connaissent une année 2023 prolifique qui pourrait s'achever par un titre de prestige à l'Orange Bowl qui a débuté lundi. Elles doivent leurs résultats à une progression constante qui, sauf catastrophe, devrait les amener assez vite vers les hautes sphères du tennis féminin. Retour sur cette année charnière.
Les chiffres ont parlé. Hier, lors de la traditionnelle mise à jour du lundi matin des statistiques officielles du circuit Juniors, Wakana Sonobe enregistrait un gain de sept places au classement et effectuait pour la première fois son entrée dans le top 20, à la dix-huitième position. Et dire que deux ans plus tôt, la nippone pointait au-delà de la 1600e place... Il faut dire que Sonobe sort à peine d'une semaine de rêve qui l'a vu remporter le prestigieux tournoi Eddie Herr, à Bradenton, sur les courts de l'académie IMG fondée en 1978 par le regretté Nick Bollettieri. Son parcours pour atteindre la finale fut prodigieux : victoire au second tour contre la belge Jeline Vandromme, championne d'Europe Junior 2023 des seize ans et moins, succès écrasant contre Laura Samsonova en quarts de finales, avant une demi-finale époustouflante conclue par une victoire sur Tyra Caterina Grant, toute fraîche championne du monde avec les États-Unis lors de la Billie Jean King Cup Juniors. Sonobe allait ensuite conclure son chef-d'œuvre en écœurant la serbe Teodora Kostovic en finale 6-3 6-1.
À bien y regarder, la victoire de Wakana Sonobe à Bradenton n'est pas le fruit du hasard. On peut même dire qu'elle s'inscrit dans une certaine logique au vu de ce qu'elle a produit sur les courts depuis le début de l'année. Ainsi, durant la saison hivernale, qu'elle a passé dans l'hémisphère sud, l'adolescente s'est montrée au tournoi d'Asuncion (J300) où elle a atteint les quarts de finales. Une fois de retour en Europe, tout s'est soudainement emballé. Demi-finaliste au tournoi de Santa Crocce Sull'Arno (J300), elle allait ensuite arriver dans de très bonnes conditions à Charleroi-Marcinelle (J300) pour y gagner le plus gros tournoi de sa jeune carrière aux dépens de la bulgare Elizara Yaneva. Bradenton fut ensuite la cerise sur le gâteau, avec le résultat que l'on sait.
Cependant, la forte progression de Wakana Sonobe ne se résume pas qu'à l'année en cours. Déjà, en 2022, on sentait que la japonaise avait un gros potentiel. Victorieuse de quatre tournois juniors et quart de finaliste à l'Orange Bowl où elle fut stoppée par Clervie Ngounoue, Sonobe n'hésitait pas dans le même temps à côtoyer le milieu professionnel en participant à des tournois de 15000 dollars de dotation. Les résultats ne se sont pas faits attendre : première finale à quatorze ans au tournoi de Cancun, en septembre de cette année-là, puis demi-finales à Lima, en novembre, en passant préalablement par trois tours de qualification. Elle a aussi été plutôt en réussite cette année puisqu'en octobre, elle disputait la finale du tournoi d'Hilton Head qu'elle allait perdre en étant renversée par la française Sophia Biolay. Il faut dire aussi que les progrès remarquables de Sonobe depuis plusieurs mois s'inscrivent dans un contexte de renouveau pour le tennis féminin japonais. L'émergence au plus haut niveau de Naomi Osaka, qui s'apprête à revenir après avoir donné naissance à son premier enfant, n'est pas la seule raison. Wakana Sonobe fait partie intégrante d'une nouvelle vague de joueuses nippones prête à déferler avec ses compatriotes Sara Saito, Sayaka Ishii, Mayu Crossley et Ena Koike. Elle est donc dans le mouvement mais, avec peut-être un temps d'avance sur ses amies. Là réside la différence.
La nouvelle vague, Laura Samsonova en fait aussi partie. C'est cette fois-ci de la vague tchèque dont il est question, de Linda Noskova à Sara Bejlek, en passant par Nikola Bartunkova, Tereza Valentova et Alena Kovackova. Désormais quatrième mondiale et numéro une nationale au classement Juniors, alors qu'elle n'était que 647e à la fin de l'année 2021, Laura Samsonova affole les compteurs. Les bases étaient de toute façon posées depuis un moment. À treize ans seulement, elle disputait trois finales, en gagnait deux puis, plantait le décor l'année suivante en devenant championne du monde par équipe des quatorze ans et moins avec ses amies tchèques. Samsonova aime la fièvre des compétitions de nations. Mais, à côté de cela, elle peut briller aussi en individuel. Cette année, son jeu au style pur, à la fois élégant et tout en recherche des angles, s'est magnifiquement exprimé dans plusieurs tournois. À Criciuma, par exemple, lors du Banana Bowl, où elle se hissait en quarts de finales, elle confirmait d'excellentes aptitudes pour le jeu sur terre. Toujours sur cette surface, elle montrait encore de belles choses à Offenbach (J500) en parvenant dans le dernier carré. En été, elle composait deux morceaux de choix à Prague (J300) où elle arrivait en finale, puis à l'US Open, où elle se frayait un chemin jusqu'en demi-finales, sa meilleure performance en Grand Chelem à ce jour.
À l'arrivée de l'automne, les étoiles continuaient de s'aligner pour la jeune tchèque. En tournée en Asie, elle n'était stoppée que par la britannique Mingge Xu en finale à Pékin (J300). La semaine suivante, nouvelle occasion manquée à la prestigieuse Mayor's Cup d'Osaka (J500) avec une défaite en demi-finales. Mais, Samsonova ne lâchait rien. Elle allait enfin voir sa patience récompensée à la Copa Yucatan de Mérida (J500) en triomphant de ses rivales sans égarer le moindre set en cours de route. Même l'américaine Kaitlin Quevedo, pourtant dans une grande année elle aussi, n'a rien pu faire pour la bousculer en finale. À Bradenton, on attendait avec impatience son affrontement contre Wakana Sonobe en quarts de finales, sans doute l'un des premiers d'une longue série. Si Laura Samsonova est passée à côté de son match, sans doute fatiguée de ses efforts à Mérida, elle a déjà pris rendez-vous pour la suite. Nul doute que pour elle, tout comme pour Sonobe, L'Open d'Australie Juniors constituera le premier gros rendez-vous de l'année 2024.
Qu'espérer pour la suite ? Le chemin est encore long, bien sûr. Pour l'une comme pour l'autre, la vraie transition du circuit Juniors vers le circuit professionnel sera sans doute mouvementée. Mais, le potentiel est là, c'est indéniable, et du talent, les deux adolescentes n'en manquent pas, sans quoi elles n'en seraient pas là où elles en sont aujourd'hui. Laissons-leur le temps de l'apprentissage, de la patience, laissons-les goûter au plaisir enivrant de la victoire, à l'amertume de la défaite. Laissons-les arriver à maturité et, d'ici deux ans, peut-être, nous reparlerons de Laura Samsonova et Wakana Sonobe lorsque leur nom sera prononcé dans les tournois du Grand Chelem.