Quatrième de couverture :
Trois jeunes sœurs ayant fui l’Iran au moment de la révolution trouvent refuge dans un petit village d’Irlande pluvieux et replié sur lui-même. Elles y ouvrent le Babylon Café et bientôt les effluves ensorcelants de la cardamome et de la nigelle, des amandes grillées et du miel chaud bouleversent la tranquillité de Ballinacroagh. Les habitants ne les accueillent pas à bras ouverts, loin s’en faut. Mais la cuisine persane des trois sœurs, délicate et parfumée, fait germer d’étranges graines chez ceux qui la goûtent. Les délicieux rouleaux de dolmas à l’aneth et les baklavas fondant sur la langue, arrosés d’un thé doré infusant dans son samovar en cuivre, font fleurir leurs rêves et leur donnent envie de transformer leur vie.
Marsha Mehran s’est inspirée de sa propre histoire familiale pour composer ce roman chaleureux et sensuel où la cuisine joue le plus beau rôle. S’y mêlent le garm et le sard, le chaud et le froid, tristesse et gaieté, en une alchimie à l’arôme envoûtant d’eau de rose et de cannelle.
Et pour que chacun puisse expérimenter la magie de la cuisine persane, une recette accompagne chaque chapitre du livre.
Quel délicieux et ensorcelant roman !
Cela commence avec les préparatifs fiévreux pour l’ouverture du Babylon Café, dans le petit village irlandais de Ballinacroagh où trois soeurs iraniennes se sont (enfin ?) posées après plusieurs années d’errance. Elles ont quitté l’Iran au moment de la révolution de 1978 contre le shah, ont passé plusieurs années à Londres qu’elles ont dû quitter pour aboutir dans ce coin d’Irlande battu par les vents et la pluie. Mais qu’importe, la délicieuse cuisine de l’aînée, Marjan, réussira bien à dégeler les coeurs les plus endurcis et à apaiser les angoisses et les migraines terribles de Bahar, la cadette. Quant à la plus jeune, Layla, elle peut vivre sa vie de lycéenne et faire tourner le coeur de Malachy McGuire. Malachy est le fils (mal assorti) de Thomas McGuire, sorte de dictateur mal embouché qui règne sur la vie du village et ne rêve que d’une chose : acheter le Babylon Café pour y établir la boîte de nuit de ses rêves. Autant dire que tout n’est pas gagné pour les soeurs Aminpour. A chaque chapitre, nous découvrons un personnage typique du village et un plat particulier de la cuisine persane. S’y mêlent les souvenirs des trois soeurs et l’histoire douloureuse de leur fuite hors d’Iran se révèle petit à petit.
C’est un roman lucide et cruel parfois, à travers les sentiments peu accueillants de certains habitants et l’exil des trois jeunes femmes, mais il est surtout chaleureux, envoûtant comme le parfum des épices qui embaument chaque page. La bonne cuisine permet de dépasser les traumatismes, de guérir les blessures physiques et intimes, de célébrer la vie qui renaît.
« Dans le livre de recettes qu’elle avait stocké dans sa tête, Marjan avait veillé à réserver une place de choix aux épices qu’elle mettait dans la soupe. Le cumin ajoutait au mélange le parfum d’un après-midi passé à faire l’amour, mais c’en était une autre qui produisait l’effet tantrique le plus spectaculaire sur l’innocent consommateurs de ce velouté : le « siah daneh » – l’amour en action- ou les graines de nigelle. Cette modeste petite gousse, quand on l’écrase dans un mortier avec un pilon, ou lorsqu’on la glisse dans des plats comme cette soupe de lentilles, dégage une énergie poivrée qui hibernent dans la rate des hommes. Libérée, elle brûle à jamais dans un désir sans limite et non partager pour un amant. la nigelle est une épice à la chaleur si puissante qu’elle ne doit pas être consommée par une femme enceinte, de peur qu’il ne déclenche un accouchement précoce. »
« Marjan plongea deux oreilles d’éléphant dans une poêle profonde pleine d’huile chaude pendant une minute, puis les transféra à l’aide d’une écumoire sur une serviette en papier. Les perles d’huile qui dégoulinaient voluptueusement de chacune des pâtisseries étaient aussitôt absorbées par les serviettes assoiffées. Une fois qu’elles avaient toutes refroidi, elle saupoudrait les oreilles chatoyantes d’un mélange de sucre glace et de cannelle qui lui chatouillaient les narines. Depuis son enfance elle adorait ces pâtisseries. Après tout, songeait-elle, un peu d’huile de temps à autre ne peut faire de mal à personne. A condition de ne pas se tenir trop près de la poêle, bien sûr. »
« C’est la grenade qui donne au « fesenjoon » ses caractéristiques prophylactiques. Pomme du péché originel et fruit d’un paradis perdu depuis longtemps, la grenade se cache sous une cosse pourpre qui ressemble à du cuir et dont on se servait à l’époque romaine comme moyen de protection. Cependant, une fois que l’heureux convive épluche cette peau amère, il découvre une juteuse chair grenat qui pétille dans la bouche comme les derniers abandons d’une étreinte sexuelle. »
Marsha MEHRAN, Une soupe à la grenade, traduit de l’anglais par Santiago Artozqui, Editions Philippe Picquier,
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