Comme vous le savez, je ne suis pas vraiment copain avec les assurances sociales. Celles-ci encouragent non seulement la paresse sociale, mais surtout, elles permettent à une multitude d'intermédiaires (comme de riches sociétés d'assurances) de prospérer sur le dos de la classe moyenne.
En parlant d'assurances sociales, j'ai essentiellement focalisé mes articles jusqu'ici sur la prévoyance vieillesse. J'avais mis en évidence les scandales suivants :
- de 1998 à 2015, une des pires périodes boursières, comportant deux gros marchés baissiers, le Swiss Performance Index a fait plus que doubler la médiocre rentabilité du taux minimal LPP
- de 1998 à 2021, la performance du SPI est même plus de quatre fois supérieure au taux minimal LPP
- en composant un portefeuille correspondant aux critères LPP, on devrait obtenir une rentabilité de cinq points de pourcentage supérieurs au taux minimal LPP prévu dans la loi
Vol organisé
Aujourd'hui, je m'attarde sur l'autre gros vol organisé par les assurances sur le dos du peuple : l'assurance de base maladie (LAMal). Comme pour la LPP, cette assurance est obligatoire et prise en charge par de riches entreprises sous l'œil complice de l'Etat. Les primes de cette assurance n'ont cessé de progresser depuis plusieurs décennies et représentent une part de plus en plus importante du budget des ménages (14%). Les milieux économiques et politiques justifient cette progression par la hausse de coûts de santé, elle-même liée notamment à l'augmentation de l'espérance de vie.
Coûts de la santé
Pour en avoir le cœur net, je me suis amusé à compiler plusieurs données disponibles auprès de la Confédération. Si l'on constate en effet que les coûts de la santé augmentent régulièrement depuis de très nombreuses années (125% de 1999 à 2023), celles des primes augmentent encore plus vite (163% durant la même période). Pire, ce phénomène s'est accéléré après la crise du Covid, comme on peut le constater ci-dessous.
Indice base 1999 = 100On se rappelle que le gouvernement nous avait promis que les mesures mises en place durant la crise sanitaire n'auraient pas d'impact sur les primes. Cela a effectivement été le cas tant que le pays était dirigé sous l'égide de la "situation extraordinaire" liée au Covid. Ceci était d'autant plus vrai que des votations populaires menaçaient alors les plans du gouvernement. Toutefois, on constate que les coûts ont continué de progresser, et même plus rapidement, durant cette période, traduisant les dépenses totalement hors de contrôle liées à la vaccination massive quasi obligatoire et à la multiplication exponentielle des curetages de nez. Sans surprise, par effet de rattrapage, les primes ont explosé, la crise à peine terminée, mettant à mal a posteriori les promesses gouvernementales.
Espérance de vie
Un des arguments avancés à la hausse de coûts de la santé, comme pour ceux de la prévoyance vieillesse, c'est l'augmentation de l'espérance de vie. Celle-ci a certes bien progressé sur la période analysée, mais à un rythme si modeste (5% de 1999 à 2023) que c'est tout juste perceptible sur le graphique. Certes, on comprend bien que pour une année de vie supplémentaire, les dépenses ne croissent pas de manière linéaire. Les coûts de la santé d'une personne de 85 ans sont en effet cinq fois plus élevés que ceux d'un trentenaire.
Mais est-ce que cet acharnement pour prolonger une vie, qui est à cet âge le plus souvent synonyme de dépendance et de démence, en vaut la peine ? L'argent ne serait-il pas mieux investi auprès des plus jeunes générations ? Par exemple dans la prévention de l'obésité et des maladies cardiovasculaires ? Ou alors tout simplement en ne les assommant pas avec des primes qui ruinent leur pouvoir d'achat ? Paradoxalement, il n'y a pratiquement plus aucune amélioration de l'espérance de vie depuis la crise sanitaire, alors même que les coûts de la santé ont explosé.
Coûts par rapport au PIB
Autre élément intéressant, bien que les dépenses en matière de santé explosent, la hausse des coûts en fonction du PIB demeure plutôt mesurée (32% entre 1999 et 2023). Autrement dit, par rapport à la richesse du pays, la progression des dépenses est certes bien perceptible, mais absorbable sur la durée, en tout cas bien plus que celle des primes à charge des individus (163% d'augmentation durant la même période). À méditer par rapport à la répartition des coûts...
Evolution des salaires
D'ailleurs, si on compare cette hausse de primes par rapport à celle des salaires, il y a de quoi s'interroger. Les salaires nominaux ont grimpé de seulement 30% durant la même période, tandis que les actionnaires des entreprises helvétiques s'enrichissaient de 223%. Pire, les salaires réels, hors inflation, n'ont progressé que de 12%. Ces derniers ne font d'ailleurs que baisser depuis la crise sanitaire. À noter que les primes d'assurance maladie n'expliquent pas cette récente baisse des salaires réels. En effet, elles ne sont pas prises en compte dans l'indice des prix à la consommation. Cela signifie qu'en réalité le pouvoir d'achat s'est encore plus détérioré.
Depuis le virus chinois, l'espérance de vie baisse ou du moins stagne, les salaires réels déclinent et les primes d'assurance maladie explosent. Et pourtant, en Suisse, nous avons été relativement épargnés par l'inflation par rapport à nos voisins.
L'argent se perd en cours de route
Comme pour l'assurance LPP, on constate que pour la LAMal, il est impossible de justifier un tel gaspillage d'argent par des besoins effectifs et vraiment utiles. Les primes augmentent bien plus rapidement que les dépenses en matière de santé. Ces dernières semblent d'ailleurs elles-mêmes déconnectées des besoins de la population et leur efficacité est plus que discutable.
A contrario, un nombre incalculable d'intermédiaires ont depuis des années érigé leur modèle économique sur la LAMal. Cet écosystème étatique obligatoire leur a permis de bâtir leur fortune, avec l'aide plus ou moins intéressée du monde politique. À Berne, on dénombre ainsi 90 parlementaires, tous partis confondus, qui font du lobbying dans le domaine de la santé. Le centre et la droite défendent les intérêts des assurances et de l'industrie pharmaceutique, tandis que la gauche défend (étonnamment) ceux des médecins.
Pour les particuliers, ces arrangements entre amis se traduisent sous la forme d'une ponction non négligeable et croissante de leurs revenus, à laquelle il est impossible d'échapper et sur lesquels ils n'ont que très peu de retour sur investissement. Comment justifier en effet qu'une famille avec deux enfants paie environ CHF 12'000 par an en primes d'assurance de base maladie, pour ne presque jamais y avoir recours, d'autant que les frais dentaires ne sont même pas couverts ?
L'obligation de s'assurer : une fausse bonne idée
L'obligation de s'assurer pour le risque maladie, comme c'est le cas pour le risque vieillesse avec la LPP, part d'une bonne idée à la base : celle de couvrir l'ensemble de la population contre ces risques. Toutefois, cette obligation biaise fondamentalement la liberté du marché, même si l'assuré a le choix entre de multiples caisses maladie ou sociétés d'assurance (pour la LPP).
C'est une des premières choses qu'on apprend aux cours d'économie : les prix sont fixés en fonction de l'offre et de la demande. En contraignant légalement cette dernière, celle-ci devient inélastique : une hausse des prix ne diminue pas le volume des ventes. Les chiffres d'affaires augmentent ainsi proportionnellement aux prix, quels que soient ces derniers. Et les bénéfices suivent évidemment la même logique.
L'afflux massif d'argent engendré par l'obligation de s'assurer, n'encourage ni les prestataires dans le domaine de la santé (et de la prévoyance) à améliorer leur fonctionnement, ni à innover. Quoi qu'ils fassent, l'argent rentre de tous les côtés. Et plus les primes augmentent, plus ils s'enrichissent. Ils ont hérité de la poule aux œufs d'or : l'obligation de s'assurer, pour eux, c'est l'obligation de gains assurés.
L’article Primes d’assurance maladie : de qui se fout-on ? est apparu en premier sur dividendes.ch.