La législation camerounaise en matière de mariage pourrait connaître une évolution majeure dans les mois à venir. Suite à un projet de loi déposé devant l’Assemblée nationale, des unions jusqu’ici prohibées pourraient être autorisées, comme les mariages entre oncles et nièces ou entre tantes et neveux. Une perspective qui scandalise déjà une partie de l’opinion publique.
Des interdits remis en cause
Actuellement, l’article 309 du Code civil camerounais dispose que « le mariage est encore prohibé entre : (…) c) l’oncle et la nièce, la tante et le neveu« . Un interdit fondé sur des considérations aussi bien culturelles que biologiques, la consanguinité entre oncles/tantes et neveux/nièces demeurant relativement proche.
Pourtant, ce même article prévoit qu’il est « loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées » sur ces unions. Une disposition qui pourrait donc être actionnée prochainement par le chef de l’État camerounais Paul Biya.
En effet, selon nos informations, un projet de loi en ce sens aurait été déposé devant le Parlement camerounais par plusieurs députés de la majorité. Son adoption entérinerait la possibilité pour oncles et nièces ou tantes et neveux de pouvoir désormais se marier légalement au Cameroun.
Des risques sanitaires pointés du doigt
Une telle réforme suscite déjà de vives critiques au sein même de la société camerounaise. Nombreux sont ceux qui craignent une augmentation des anomalies génétiques en cas de naissance issue de telles unions consanguines.
« Autoriser le mariage entre personnes déjà apparentées comme des oncles et nièces revient à favoriser la transmission de maladies héréditaires, alerte le Dr Ebongué, généticien à l’hôpital central de Yaoundé. C’est un non-sens sanitaire qui pourrait avoir des conséquences dramatiques à long terme sur la santé de la population ».
Des risques sanitaires balayés d’un revers de main par les défenseurs du projet de loi. « La légalisation des mariages entre oncles et nièces constituerait un progrès vers plus de liberté individuelle au Cameroun », argue Me Owona, avocat et militant des droits humains. Ce genre d’unions, certes minoritaires, existent déjà dans les faits. Autant leur donner un cadre légal plutôt que de les réprimer ».
Vers un effet domino en Afrique centrale ?
Au-delà des seules frontières camerounaises, certains experts craignent également que cette brèche ouverte dans l’interdit de l’inceste n’entraîne un effet domino dans toute l’Afrique centrale.
« Si le Cameroun légalise les mariages au sein des familles, d’autres pays de la zone Cemac comme le Gabon ou la République centrafricaine pourraient être tentés d’emprunter la même voie », s’alarme Pr Patrice Bigombe Logo, enseignant en droit de la famille à l’Université de Douala. « On risque de voir resurgir sur le continent des pratiques moyenâgeuses au mépris de toutes les règles de la génétique moderne ».
Vives polémiques en perspectives, donc, autour de ce projet législatif controversé… qui pourrait néanmoins recueillir une large approbation des députés de la majorité présidentielle lors de son examen au Parlement dans les semaines à venir.