À l'occasion du mois de la littératie financière (au moins au Canada), CIBC a commandité une enquête destinée à éclairer les comportements de la population vis-à-vis de la planification financière. La principale conclusion que j'en tire est l'immense confusion qui règne sur le sujet… autant du côté des consommateurs que de la banque elle-même.
L'étude n'a en soi guère d'intérêt puisque la question la plus importante révèle que les personnes interrogées ont des perceptions radicalement différentes de ce que le concept considéré recouvre (sans recadrage préalable, apparemment, pour les points abordés par la suite) : pour une moitié, il concerne leur situation globale, les objectifs visés et les moyens à mettre en œuvre afin de les atteindre tandis que pour l'autre moitié il s'agit avant tout de définir des stratégies de placement à court et long terme.
Hélas, cette seconde vision, plutôt étriquée et totalement inadaptée aux besoins du quidam moyen, est certainement influencée, sinon directement inculquée, par l'approche qu'en proposent les institutions financières, toujours aussi prompte à parler de leurs produits plutôt que des projets et rêves de leurs clients. Incidemment, les thématiques introduites dans d'autres parties du sondage le confirme, par exemple quand elles se focalisent sur des aspects tels que les solutions d'investissement ou d'épargne retraite.
Le biais devient caricatural lorsqu'il ressort que, parmi les trois premiers critères de sélection d'un conseiller, le rendement des placements qu'il suggère et sa capacité à formuler des recommandations se retrouvent au même niveau, juste derrière ses compétences et ses qualifications. Or le poids disproportionné accordé aux performances des portefeuilles (encore une fois induit par les discours des professionnels) est d'autant moins pertinent ici que ce n'est pas un domaine où la relation humaine prime.
Par ailleurs, l'enseignement que CIBC prétend extraire de l'exercice porte sur le hiatus existant entre le désir des individus d'être accompagnés dans leurs velléités de planification, en particulier autour de leurs préoccupations dominantes telles que la préparation de la retraite, et la faible proportion qui ont effectivement recours à un expert en la matière (y compris dans la banque). Quelle surprise ! En revanche, en dehors d'une mention du coût rédhibitoire, les raisons de cet état de fait ne sont pas explorées.
Si seule une petite fraction (de l'ordre d'un quart) de la population, représentant vraisemblablement la frange la plus aisée, a recours aux services d'un planificateur, c'est parce que son métier est conçu en priorité pour aider ses clients à gérer un patrimoine conséquent. Dans le modèle économique de cette activité, telle qu'elle est organisée aujourd'hui, il n'a rien à apporter à la majorité ne disposant, au mieux, que de quelques dizaines de milliers de dollars de côté. Et aucune alternative n'est offerte.
L'habitude qu'ont développée les banques de toujours centrer leurs efforts sur leurs produits est déjà problématique par nature. Elle l'est encore plus quand elle en arrive à fausser le jugement de leurs clients, au point qu'ils ne semblent plus capables de discerner le type de conseil, ou plutôt de coaching, qu'il leur faudrait tout au long de leur vie et que, contrairement aux ersatz dont il faut se contenter pour l'instant, les technologies permettent désormais de mettre à la portée de tous via les outils en ligne.