Cette équipe internationale dont des chercheurs du Fralin Biomedical Research Institute (Virginie) affirme qu’identifier certains aliments comme addictifs pourrait avoir des effets bénéfiques, comme changer les comportements et stimuler la recherche. Cet appel scientifique à repenser les choix alimentaires à l’échelle mondiale est documenté dans Food For Thought, une édition spéciale du British Medical Journal (BMJ).
Avec leurs collègues des États-Unis, du Brésil et de l’Espagne, ces scientifiques du Virginia Tech ont mené une analyse des aliments ultra-transformés et concluent à la pertinence clinique de la dépendance alimentaire. L’un des auteurs principaux, Ashley Gearhardt, professeur de psychologie à l’Université du Michigan commente cette conclusion : « en reconnaissant que certains types d’aliments transformés ont les propriétés de substances addictives, nous pourrons peut-être contribuer à améliorer la santé mondiale ».
Même si les gens peuvent arrêter de fumer, de boire ou de jouer, ils ne peuvent pas arrêter de manger
Ce constat d’un autre auteur, Alexandra DiFeliceantonio, professeur à l’Institut Fralin impose d’identifier et de définir les aliments qui présentent le plus grand potentiel et risque de dépendance et de comprendre pourquoi. Tous les aliments ne présentent pas ce potentiel de dépendance, précisent également les chercheurs : « La plupart des aliments que nous considérons comme naturels ou peu transformés fournissent de l’énergie sous forme de glucides ou de graisses, mais pas les deux ».
Caractériser le risque de dépendance alimentaire par le rapport glucides/lipides : en pratique, les chercheurs donnent l’exemple d’une pomme, d’un morceau de saumon et d’une barre de chocolat. La pomme a un rapport glucides/graisses d’environ 1 pour 0, tandis que le saumon a un rapport de 0 pour 1. En revanche, la barre de chocolat a un rapport glucides/lipides de 1 pour 1, ce qui semble augmenter le potentiel de dépendance d’un aliment.
De nombreux aliments ultra-transformés contiennent des niveaux plus élevés des deux nutriments. Et cette combinaison a un effet spécifique sur le cerveau. Certains additifs alimentaires utilisés dans la transformation industrielle pourraient également jouer un rôle clé dans cet effet de dépendance.
Les principales conclusions de l’analyse sont les suivantes :
- les aliments ultra-transformés sont des aliments à la fois riches en glucides raffinés et en graisses ajoutées ;
- les comportements associés à ces aliments ultra-transformés peuvent, chez certaines personnes, répondre aux critères de diagnostic d’un trouble lié à l’usage de substances ;
- ces comportements de dépendance alimentaire incluent un moindre contrôle sur la consommation, des fringales intenses (craving), des symptômes de sevrage et une consommation continue malgré des conséquences telles que l’obésité, l’hyperphagie boulimique, une moins bonne santé physique et mentale et une qualité de vie dégradée.
Un défi sanitaire mondial : une revue de 281 études réalisées dans 36 pays différents révèle que
la dépendance aux aliments ultra-transformés toucherait en moyenne 14 % des adultes et 12 % des enfants.
Dans certains pays, les aliments ultra-transformés constituent même une source de calories nécessaire. Même dans les pays à revenu élevé, les déserts alimentaires et d’autres facteurs peuvent limiter l’accès aux aliments frais et peu transformés. Les personnes confrontées à l’insécurité alimentaire dépendent davantage des aliments ultra-transformés et sont donc plus susceptibles de développer cette forme de dépendance alimentaire.
Prendre en compte cette forme de dépendance pour développer de nouvelles approches : les auteurs appellent l’ensemble des gouvernements à renforcer les politiques de taxes, d’étiquetage et de marketing préventives pour parvenir à une diminution de l’apport calorique et de l’achat de ce type d’aliments riches en sucre, en graisses saturées et en sel. Les auteurs appellent aussi à davantage d’études et de recherches scientifiques sur les aliments ultra-transformés.
Aujourd’hui, dans les pays riches, les aliments ultra-transformés représentent 58 % des calories consommées.
Source: British Medical Journal (BMJ) 10 Oct, 2023 DOI: 10.1136/bmj-2023-075354 Social, clinical, and policy implications of ultra-processed food addiction
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Équipe de rédaction SantélogDéc 1, 2023Équipe de rédaction Santélog