De retour de Cuba. Pas dormi depuis 36h. Et a peine arrivé, foncer s’abriter dans une salle obscure pour voir Batman. Crainte de s’endormir devant la durée du film. Et là, le choc, le film n’est pas bon, il est extraordinaire. Je sais que c’est la mode de mettre des superlatifs à toutes les sauces. Là je pèse mes mots. The Dark Knight est un film brillantissime, comme on en voit que trop rarement. Intense, intelligent, profond, une tuerie monumentale. Pas dormi depuis 36 heures, mais impossible de ne pas pondre ma critique là tout de suite…
Batman The Dark Knight – Quand le héros doit s’interroger sur son statut
Batman s’attelle, avec l’aide du lieutenant Gordon et d’un procureur à la dent dure nommé Harvey Dent, à démanteler les restes de l’organisation criminelle régnant à Gotham City. Par peur de voir leur fortune disparaître, les truands décident de faire appel à un tueur pour liquider leur némésis. Cet homme, c’est un truand étrange, un freak qui va peu à peu faire basculer Gotham dans la chaos : le Joker.
Quand comme moi on regarde une énorme quantité de films tous les ans, il devient de plus en plus difficile d’être surpris, de se prendre une claque, de se dire qu’on assiste à un grand moment de cinéma. La règle veut également que peu de suites soient vraiment supérieures aux premiers opus. Et je ne parle même pas de la difficulté d’arriver à rajouter au métrage une réflexion poussée sur la société, sur ses limites et sur ce qu’on doit faire pour la préserver.
Batman The Dark Knight, c’est tout ça, et bien plus encore. Et l’excellent résultat repose sur deux points principaux : un script riche mais intelligent, prenant le temps de construire et de faire évoluer son personnage, et également l’interprétation majestueuse et habitée de Heath Ledger. Dur d’ailleurs de ne pas être touché par le « In Loving Memory of our friend Heath Ledger » lors du générique de fin. Je ne reviendrai pas ici sur les circonstances de son décès. Ce qui en revanche est intéressant est de constater à quel point il habite son rôle et arrive à faire oublier en quelques plans l’interprétation de Jack Nicholson (qui il est vrai versait dans une veine plus pop).
Heath Ledger arrive avec succès à faire resurgir à la fois la folie, les envies et le chaos du personnage, avec une finesse de jeu époustouflante. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises sur ce blog, de nombreuses rumeurs font état d’une nomination à titre posthume aux Oscars pour ce rôle. Lorsqu’on voit le résultat, il est aisé de comprendre pourquoi. Même les pourtant très bons Christian Bale en Batman, Michael Caine en Alfred, Gary Oldman en Gordon, Aaron Eckhart en Harvey Dent, Morgan Freeman en Lucius Fox ou Maggie Gyllenhall en Rachel Dawes paraissent ultra fadasses en comparaison.
Dès que le personnage du Joker apparaît à l’écran, c’est comme s’il vampirisait tout l’espace libre, à l’instar de l’énergie qu’il déploie dans le script à repousser sans cesse les limites des personnages qu’il croise. J’avais fait un article sur le personnage de Batman et sur son alter ego maléfique avant de partir en vacances. Je croisais les doigts très forts pour que ces thématiques du double et des actions de Batman qui renforcent le Joker soient présentes. Il s’avère que c’est le centre même du film, son sujet principal.
Car ce sont en effet les actions coup de poing de Batman contre la pègre qui va les pousser dans leurs derniers retranchements et leur faire sortir une arme incontrôlable de leur manche. On est très loin du discours habituellement très manichéen propre à l’univers des super héros. Dans The Dark Knight, Batman échoue, ses actions provoquent des réactions aux conséquences désastreuses, il est clairement le point à l’origine du déferlement de violence qui va émailler Gotham. Et en ce sens le principe de l’action/réaction, à savoir que « L’enfer est pavé de bonnes intentions », délivre un message fort et sans équivoque. La violence dont doit faire preuve le justicier pour capturer ses cibles ne risque-t-il pas d’amener une escalade de la violence ? Et où sont les limites de ce qui est acceptable dans son comportement ?
Jamais dans les six Batman, Gotham n’aura parue si sombre, si perdue, avec un sentiment d’écrasement sur elle-même en raison du poids de ses pêchés passés. Tout le monde y est corrompu ou corruptible, intéressé en priorité par sa propre volonté de survivre, ramené à ses plus bas instincts. Ce film n’est pas seulement sombre, il est très pessimiste. Que faire pour combattre quelqu’un qui ne respecte pas les règles ? Doit on renoncer à son humanité pour pouvoir le stopper ? Doit-on par la même prendre le risque de perdre notre identité ? Nos actions ne risquent-elles pas d’avoir des conséquences encore pires ? C’est une vraie critique de la société américaine, qui donne un droit à l’auto-défense vie sa constitution, que Nolan s’évertue à construire.
D’ailleurs à propos de Nolan, il est difficile de nier le fait qu’il a fait des progrès en terme de mise en scène. Les scènes d’action de Batman Begins étaient illisibles, elles sont devenues parfaitement accessibles et ponctuent régulièrement le film en lui donnant un rythme soutenu mais se concentrant plus sur ses personnages que sur la volonté d’en mettre plein la figure du spectateur.
Difficile également de ne pas parler de la musique de Hans Zimmer. D’habitude habitué à la musique bien pompière et militaire, il se lâche encore plus que dans le premier opus et rajoute encore une couche de poisse et de misère au film. Une vraie réussite que je vais sûrement essayer de me procurer rapidement.
Si l’on regarde les chiffres de Batman, il y a toutes les chances que vous l’ayez déjà vu au moment où vous lirez cet article. Si jamais ce n’est pas le cas, foncez ! J’ai volontairement évité de spoiler le film qui contient de nombreuses surprises et retournement plus ou moins inattendus. Une fois sorti de la salle, restent deux grosses frustrations : tout d’abord de se dire qu’Heath Ledger ne pourra jamais reprendre son rôle, la deuxième est qu’on aurai bien encore pris deux heures supplémentaires de Batman…