C’est peu à peu qu’on arrive à comprendre ce qu’est la Station. Nous ne sommes, lecteur.ices, pas préparé.e.s à ces rencontres. Dans la Station vivent, travaillent, échangent des stationnien.ne.s. C’est après la Rencontre et les guerres qui ont suivi que des espèces diverses ont choisi de s’installer dans cette Station. La cohabitation semble bien se passer même si on voit de temps en temps qu’elle ressemble à l’organisation du travail du système capitaliste (jamais nommé puisque nous sommes au-delà du capitalisme, mais pas de l’exploitation…). Ce qui est pourtant remarquable, c’est la capacité des espèces à vivre ensemble, bien que beaucoup de choses les séparent, en particulier les organes de perception et de pensée. C’est cela, d’ailleurs qui m’a d’abord intéressé : l’obligation pour moi, lecteur, d’accepter ces différences apparemment incompatibles et pourtant aptes à l’échange. L’accepter est nécessaire pour comprendre les enjeux de ce roman et c’est un véritable tour de force que réalise Audrey Pleynet que de nous faire comprendre autrement que par des explications savantes ces différences : l’amitié entre le personnage principal, une jeune Humania, et Lou’Ny’A, qui ondule pour exprimer ce qu’elle ressent en est l'expression. Ooxio, qui a beaucoup compté pour l’héroïne, lui dit un jour : « Reste cohérente, ne te laisse pas fragmenter. Dans l’esprit de l’autre, tu dois être 100%. (…) Je suis là, stationnien, devant toi. Le reste n’est que technique et ne doit appartenir qu’au Paramétrage. » Ainsi, il faut tout autant accepter l'autre comme 100%.
Mais cela ne fait pas d’elle un être détaché de tout. Elle a une mère et un fils, dont s’occupe sa mère puisqu’elle doit se sauver et prendre tout sa place dans les conflits qui naissent dans la Station, notamment entre les Spéciens et les Fusionnistes. Conflits qui auront des conséquences dans ses relations avec sa mère, d’une part et son fils d’autre part. Un court roman, donc, mais bien plein et passionnant.