Le colon juif, debout, en marche, la pelle sur l’épaule, semble sortir de l’eau, prêt à conquérir la terre promise, à faire fleurir le désert inculte devant lui. Mais sa tête est tournée vers l’arrière, car il ne saurait oublier le passé de son peuple. L’Arabe, lui, est accroupi, immobile, passif, il n’attend rien, sinon que le vent fasse tourner ses jouets dérisoires. C’est, quasiment verbatim, le texte de l’audioguide du musée que je reproduis ici.
Rien de bien surprenant car Reuven Rubin est LE peintre officiel et célébré du mythe israélien du peuple sans terre pour une terre sans peuple, de la conquête du désert et de la création de l’Etat juif. Ce tableau a été peint peu après son arrivée en Palestine (pardon, en Eretz Israël) depuis la Roumanie en 1924, et il est tout à fait emblématique de son style, entre expressionisme, symbolisme et art naïf.
Après son arrivée en Palestine, on dirait que l’inspiration de Rubin se tarit, ses tableaux deviennent des natures mortes mièvres ou des sujets de propagande, son souffle semble s’être éteint.
Dans une vitrine, une lettre de 1924 du secrétaire particulier du Haut-Commissaire Britannique en Palestine, remerciant Rubin pour l’envoi d’un recueil de gravures, mais indiquant que le Haut-Commissaire “n’a aucune sympathie pour ce type d’art et considérerait déloyal d’accepter ce recueil” qu’il renvoie donc au destinataire. Ben, moi aussi…