Je n’ai pas voulu manquer le retour en France de la merveilleuse troupe de théâtre de marionnettes fondée en 1981 par Rezo Gabriadze, scénariste, réalisateur, peintre et sculpteur.
Bien que de taille modeste (la salle ne peut accueillir que 80 personnes), le Gabriadze Theater de Tbilissi (Géorgie) fait partie des institutions culturelles les plus importantes au monde. Rezo Gabriadze est donc une des figures majeures du théâtre européen. Avant de disparaître en 2021, il a entièrement renouvelé la forme de son premier spectacle, Alfred et Violetta, librement inspiré de La Traviata.C'est son fils Leo, producteur créatif du Gabriadze Theater depuis plus de quinze ans qui introduit le spectacle. Sur son impulsion, quatre spectacles ont été montés, des dizaines de tournées ont été organisées et le théâtre a participé à des festivals de premier plan. En 2012, il a organisé l'exposition de Rezo Gabriadze au Musée Pouchkine, puis est devenu directeur artistique du Théâtre Gabriadze en 2019. C'est lui qui a mis en scène Alfredo et Violetta en 2021 (et Le Diamant du maréchal de Pant'e en 2023) selon une nouvelle adaptation dont la première mondiale a eu lieu au théâtre Goldoni de Venise, en février 2022. Et depuis, le spectacle tourne en Europe.Nouveaux décors, nouveaux personnages, nouvelles musiques, nouvelles lumières, c’est une pièce aussi émouvante que saisissante que le fils livre en héritage de son père avec une émotion visible. Il a respecté la trame de la fameuse histoire imaginée par Alexandre Dumas et orchestrée par Verdi en suivant la transposition imaginée par son père pour situer l'action à Tbilissi, la capitale géorgienne, en 1991, donc en pleine guerre civile, puis ensuite à Milan, Venise, Rome, Khashuri, Abastumani et Dighomi.Tout est beau, extrêmement minutieux, à commencer par le rideau de scène, et la manipulation est d'une précision et d'une harmonie exemplaires qui permettent aux marionnettes de prendre vie. Mon seul regret, bien que j'étais assise dans les premiers rangs, fut de m'apercevoir après le spectacle que l'on pouvait disposer de jumelles. J'aurais adoré percevoir les détails qui, déjà de loin, semblait d'une grande précision. Vous voilà prévenus.La pièce est la première que présenta le Théâtre Gabriadze en 1981 et elle est souvent qualifié de "trésor national géorgien". La transposer après l'indépendance de la Géorgie en 199 lui apporte une dimension politique nouvelle. Une guerre civile est née de la confrontation entre différentes forces politiques après l'indépendance. Les hostilités ont principalement eu lieu dans les quartiers centraux de Tbilissi et de nombreux bâtiments ont été endommagés ou brûlés.
De multiples détails font référence aux évènements; Ainsi l'immeuble où vivent Violetta et son père a été sévèrement détruit. Le processus de privatisation a entraîné la vente d'entreprises d'État et leur transformation en sociétés anonymes. On entendra le nom du magazine socio-politique et littéraire illustré Ogonyok, très populaire en Union soviétique qui deviendra un “mégaphone” pour les politiques de la perestroïka et de la glasnost. Mais il est aussi question du club de football géorgien le plus populaire et le plus prospère, fondé en 1925, le PC Dinamo Tbilisi.
Si l'on voit régulièrement un corbeau c'est parce qu'une production de Richard III a fait date au Théâtre Shota Rustaveli dans les années 1980 (mise en scène de Robert Sturua). Le rôle principal était joué par Ramaz Chkhikvadze, qui interprète le corbeau Nevermore dans Alfred et Violetta.
La jeune fille partira soigner sa tuberculose à Abastumani, une des stations de balnéothérapie les plus célèbres des montagnes de Géorgie où le climat se caractérise par ses qualités curatives uniques.
Il y avait peu d'enfants dans la salle malgré une recommandation à partir de 12 ans. Il faut reconnaitre que le surtitrage en français demande une certaine maitrise de la lecture rapide, sans compter toutes les références à la culture géorgienne qui ne sont pas évidentes pour nous. Le spectacle demeure néanmoins accessible en raison de la tendresse, de la poésie, de l'étude de la palette des sentiments et de l'humour qui se complètent.Les étoiles racontent l'histoire aux statues de marbre tandis que les personnages font le rêve (politique) de l'avènement d'une économie durable. Certaines scènes sont d'une beauté mémorable comme celle de la locomotive qui parle et de la chanson de la pluie.Le final nous questionnera longtemps sur la fonction politique du spectacle et des marionnettes. Un petit film d'animation est visible sur le mur du hall de la Scala avant ou après la représentation.Alfred et Violetta par le Théâtre Gabriadze à La ScalaEn langue géorgienne surtitrée en françaisDramaturge, directeur artistique Rezo GabriadzeMetteur en scène Leo GabriadzeMaîtres de marionnettes Tamar Amirajibi, Niko Gelovani, Irakli Sharashidze, Tamar Kobakhidze, Giorgi Giorgobiani, Medea Bliadze,Directeur technique Mamuka BakradzeIngénieur du son David KhositashviliDu 23 au 30 novembre à 15 ou 20 h 30A la Scala - 13 boulevard de Strasbourg - 75010 Paris
Un bord de plateau aura lieu le 29 novembre à l'issue de la représentationEt toujours jusqu'au 6 décembre le Fauteuil d'artiste #11 de Prune NourryLa photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Irakli_Sharashidze