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Napoléon: entre grandeur et anecdote

Par Mespetitesvues
Napoléon: entre grandeur et anecdote

Savoir qu'une version " director's cut " augmentée de 90 minutes verra probablement le jour dans les mois qui viennent donne un éclairage assez précis sur les lacunes de cet ambitieux , énième biopic sur l'empereur des Français réalisé par Ridley Scott. Abel Gance avait eu besoin de 4 heures ( Napoléon, 1927), et en avait ajouté 2 pour relater la bataille d'Austerlitz ( Austerlitz, 1960), Yves Simoneau avait mis 6 heures (la minisérie Napoléon, 2002) et il avait fallu pas moins de 2h15 à Sergueï Bondartchouk pour illustrer la déroute de Waterloo ( Waterloo, 1970). Bref, tout ça pour dire qu'en condensant les 25 dernières années de la vie de Bonaparte en 2h30 seulement, Scott et son scénariste David Scarpa se sont lancés dans une mission quasi impossible.

Le résultat est moins catastrophique que ce qu'ont pu en dire les critiques français. Si le spectateur se contente d'un aperçu des moments marquants du petit corse, il sera rassasié. La victoire initiale qui lui procura le grade de général, le mariage avec Joséphine, le couronnement, ses incartades extra-conjugales avec la toute jeune Marie-Louise d'Autriche, les défaites cuisantes, l'exil, le retour et l'ultime débâcle face aux forces anglo-néerlandaises à Waterloo... tout est là, dans un ordre chronologique jamais remis en question.

Les décors, costumes, accessoires sont impeccables. Les séquences de bataille témoignent d'un art de la mise en scène que l'on ne voit que très peu aujourd'hui. Les chorégraphies sont superbes, les mouvements de troupes et les plans de drones donnent lieu à des moments mémorables, qui, de surcroît offrent des explications éclairantes sur les tactiques militaires de l'époque. À ce chapitre, Napoléon est un ravissement pour les yeux.

En revanche, l'étude de caractère n'est jamais satisfaisante. Si l'on cherche à déceler l'homme fragile et complexe qui se cachait derrière le mythe du conquérant, on risque d'être déçu. Parce que, justement, la complexité de celui qui a sur la conscience, ce n'est pas rien, la mort de plus de 3 millions de vies humaines, n'est que très peu approfondie. À quelques reprises la destinée d'un homme hautement intrigant surgit au détour. On imagine un homme fragile, écrasé par sa mère, un être dépendant affectif, mais aussi un fin stratège doublé d'un rustre intraitable, imbu de sa personne et très maladroit.

Éparpillés entre deux séquences de combats, ces éléments épars peinent à forger une image valable ou réellement nouvelle du héros. Ainsi, on ne saura rien sur sa soif de postérité, sur sa volonté de dominer les autres et de conquérir le monde. Porté par un Joaquin Phoenix trop vieux pour le rôle et bourré de tics, le Napoléon de Scott ne vit que par bribes. Comme un pantin manipulé dans une épopée trop grande pour être embrassée, ne serait-ce que parce que la situation du 19e siècle en Europe, les intrigues, les alliances, les trahisons, semblent de nos jours très difficiles à démêler. Un imbroglio géopolitique illustré de peine et de misère en faisant tournoyer autour du héros quelques personnalités influentes, mais sans leur donner suffisamment de place pour exister.

En résumé : Visuellement grandiose, Napoléon ne manque pas de souffle épique, mais ne parvient qu'en de trop rares occasions à donner vie à son sujet, tenaillé par l'anecdote et la superficialité.

Sortie en salle au Québec : 22 novembre 2023. Sur Apple+ prochainement.


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