Les tensions du Proche-Orient semblent en déborder largement et atteignent sans mal certaines localités de notre petit pays : le gouvernement constate, un peu effaré, l’explosion soudaine du nombre d’actes antisémites sur le sol français depuis le 7 octobre dernier.
La Behète Immonheudeu au ventre fécond de bruits de bottes n’est pas morte : les factions d’extrémistes de droite, de suprémacistes blancs et autres nationalistes forcenés se sont tous donné le mot pour multiplier les actes et les propres réprimés par la loi, ce qui n’a pas manqué de faire monter aux créneaux Darmanin, l’actuel miniministre de l’Intérieur. Oups. On me souffle à l’oreillette que ces actes ne sont pas majoritairement dus à des suprémacistes blancs d’extrême-droite.
Peu importe : le gouvernement ne se laissera pas déborder, quelle que soit la tendance politique de l’extrême-droite (qui pourrait bien être très à gauche cette fois-ci, cela ne change rien) et quelle que soit la couleur des suprémacistes en question qui seront de toute façon blancs à la fin du compte. Il faut comprendre que la République, laïque, une, indivisible et toujours à l’écoute via un numéro vert, ne s’en laissera pas compter, Gérald vous l’assure.
Du reste, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas croire que les paroles de Darmanin ne seront pas suivies d’effets percutants et du retour, en fanfare, à l’ordre républicain le plus strict. Il n’est qu’à voir la façon dont les forces de police et de gendarmerie sont actuellement mobilisées partout en France pour comprendre qu’on ne mégottera pas : les responsables de ces actes et de ces discours seront poursuivis et trainés devant une justice qu’on sait au taquet.
D’ailleurs, c’est bien simple, les exemples abondent à présent de la fermeté retrouvée de la justice en France. Fini, le temps des atermoiements, des demi-mesures et d’un laxisme un peu trop vaste. Accompagné par un gouvernement à l’écoute du peuple, le pouvoir judiciaire a compris qu’il ne pouvait plus se laisser aller et la reprise en main est déjà palpable.
Ainsi, un jeune présenté comme néonazi par notre exceptionnelle presse nationale vient de se prendre neuf ans de prison pour ses propos antisémites et sa velléité de préparer des attentats.
Fini de rire en République d’Enmarchistan : les choses sérieuses commencent !
D’ailleurs, à bien y réfléchir, plutôt qu’avoir des opinons qui puent, des discours rances ou délirer sur des plans d’attentats, il vaut clairement mieux trainer au sol un policier sur une vingtaine de mètres en conduisant sans permis à bord d’un véhicule et en refusant d’obtempérer : en la jouant finement, on s’en sort avec quelques travaux d’intérêt général, ce qui est nettement plus rigolo que neuf ans de prison.
Présenté ainsi, certains pourraient croire que la justice française n’est pas encore tout à fait au point en matière de peines, alors que semble se lever une ère nouvelle qui réclame plus de sévérité.
C’est une erreur de penser ainsi : la justice française peut et sait faire rapide et efficace. Comme dans bien d’autres domaines, tout est affaire de motivation.
Prenez l’exemple récent d’une triste affaire de vol avec violences en rue à Paris, dans le XVIIe arrondissement – rassurez-vous, c’est presque aussi rare dans la capitale que d’y croiser un surmulot en goguette – dans laquelle la victime a failli se faire dérober sa montre de luxe et son téléphone : alors que pour d’autres cas similaires, les malandrins courent toujours, on apprend que cette fois-ci, les quatre suspects ont été rapidement interpellés et mis en garde à vue. Le fait que la victime soit le fils d’une magistrate du tribunal judiciaire de Paris ne joue sans doute pas beaucoup dans le zèle des équipiers de la compagnie de sécurisation et d’intervention de police de la capitale…
Maintenant qu’il est raisonnablement acquis que la justice est donc aussi aveugle que ferme et implacable, on comprend mieux pourquoi cette même justice française a lancé un mandat d’arrêt international contre le président syrien Bachar Al-Assad, après l’avoir accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour les attaques chimiques perpétrées à l’été 2013 en Syrie.
Voilà qui ne manque pas de panache, n’est-ce pas. Reste à savoir quelle quantité de travaux d’intérêt général le pauvre Bachar devra exécuter, à moins bien sûr que la justice française considère que “un Bachar mérite plus qu’un chauffard” et qu’on envisage alors de lui coller quelques années de prison, sans sursis.
La juxtaposition de ces différents éléments laisse cependant un sentiment étrange : d’un côté, on observe les actes emprunts de gravité d’épitoges froufroutantes qui confinent à la grandiloquence grotesque pour de l’autre constater des décisions d’un ridicule achevé ou en décalage si violent avec le besoin réel de justice et d’un minimum de cohérence d’ensemble qu’on ne peut qu’être envahi d’une impression persistante de foutage de gueule.
D’un côté, pilotée par un gouvernement dont le Garde des Sceaux est actuellement en procès (ce qui est une première ahurissante dans l’histoire de ce pays), la justice française prétend trainer en justice le dirigeant d’un pays étranger, de l’autre, cette même justice multiplie les exemples d’un système qui n’est favorable qu’à une petite caste, ultra-démissionnaire lorsqu’il s’agit de faire preuve d’une élémentaire fermeté et complètement disproportionnée dès qu’on parle idéologie.
D’un côté, la justice semble totalement débordée pour assurer des procès en temps raisonnable aux justiciables français, ou même de garantir que les OQTF seront appliquées en nombre autrement que purement symbolique, de l’autre, elle trouve amplement le temps de se lancer dans des mandats d’arrêt internationaux qui ont absolument tout de la posture et qui, de surcroît sur le plan diplomatique, ne seront qu’une nouvelle erreur à ajouter aux myriades déjà empilées avec gourmandise par nos différents gouvernants depuis Sarkozy.
D’un côté, on voit les petits avortons à la Darmanin se multiplier comme du chiendent sur tous les plateaux télé pour expliquer à ceux qui veulent l’entendre (heureusement de moins en moins nombreux) qu’il va mettre en place ceci ou cela, que ça ne va pas se passer comme ça, que la justice saura se montrer ferme et patin couffin, de l’autre on constate que la violence, les crimes et délits, l’insécurité et les incivilités (pourtant du ressort direct de l’avorton en question) explosent partout sur le territoire.
Et pas de doute, d’un côté, on note clairement la grandiloquence grotesque de nos dirigeants. De l’autre, on ne voit que l’impuissance ridicule d’un État en pleine déliquescence.
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