À notre époque, j'étais le parfait cliché du mâle blanc. Plus raté que dominant. N'ayant pas envie de faire carrière ou de collectionner les conquêtes féminines. En n'étant jamais sorti du lot en faisant quoi que soit.
Ce bibliothécaire-documentaliste est un rond-de-cuir balzacien caricatural. Il a une silhouette rondouillarde, un double menton, un crâne dégarni. Il est fonctionnaire depuis toujours, la petite cinquantaine, sans attaches familiales, ni animal de compagnie.
S'il n'est pas carriériste, il a des ambitions littéraires. Il n'a qu'un lecteur assidu, le vigile de la bibliothèque universitaire où il travaille. Sinon, aucun des vingt manuscrits qu'il a envoyés à des maisons d'éditions n'a été retenu, à ses grands dépit et frustration.
Cet assoiffé de reconnaissance est d'autant plus marri quand, à son club de lecture et d'écriture, il apprend qu'une charmante auteure d'un roman fleuve de science-fiction à l'eau de rose révolutionnant le genre est parvenue à le faire accepter par les éditions E.
Il n'aurait toutefois jamais pensé qu'il serait capable de tout, même du pire pour un écrivain, pour accéder enfin à la notoriété. Or une occasion de faire le larron lui est offerte de manière tout à fait inattendue et il va la saisir sans vergogne, bien au contraire.
En effet il arrive, à la faveur d'une imposture assumée, à faire paraître un roman qui a un réel succès, mérité, sans qu'il se soit donné la même peine que pour ses romans précédents, et dont le titre est ironique, provocateur, voire même auto-dérisoire: Autoédition.
Le lecteur se demande s'il va s'en tirer à si bon compte et si, étant monté si haut, la chute n'en sera que plus dure. Il ne peut imaginer pour autant quel épilogue Cédric Comtesse lui a concocté et qui, à la réflexion, n'est pas si improbable que cela de nos jours.
Francis Richard
Autoédition, Cédric Comtesse, 124 pages, Slatkine