Des bleus à l'A.M.E. (aide médicale d'État) : entre posture et protection

Publié le 16 novembre 2023 par Sylvainrakotoarison

"en même temps" : à la fois plus sévère contre l'immigration et plus accueillant pour ceux à qui on concède de venir. Cette seconde partie de la philosophie de la loi sera certainement moins médiatisée que la première. I (non issu de la première version du texte à sa présentation par le gouvernement), son abrogation pure et simple, et la création d'une "aide médicale d'urgence" (AMU ?). janvier 2000.Les virus et les bactéries ne demandent pas la carte de séjour ou la carte d'identité de la personne avant de contaminer son organisme. Le financement de l'AME n'est pas seulement une mesure de fraternité envers les sans-papiers, il est aussi et avant tout une mesure de protection sanitaire de toute la population nationale.

Le projet de loi présenté par le gouvernement sur l'immigration (officiellement : " projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ") a été adopté en première lecture le mardi 14 novembre 2023 au Sénat, par 210 voix pour, 115 voix contre, sur 341 votants. Un accord avait été trouvé entre le groupe Les Républicains (LR) présidé par Bruno Retailleau et ses alliés de l'Union centriste (UC) présidée par Hervé Marseille, et les groupes de la majorité présidentielle, au nombre de deux, un proche du centre gauche, le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) présidé par François Patriat et un autre proche du centre droit, Les Indépendants, République et Territoires (LIRT) présidé par Claude Malhuret.
Ces quatre groupes ont voté massivement pour le projet de loi, seuls trois sénateurs de ceux-ci ont voté contre, et onze se sont abstenus. Quant aux autres groupes, de gauche, ils ont unanimement voté contre (sauf quatre qui se sont abstenus). Ce clivage est fondateur de ce texte très important puisqu'il est le deuxième enjeu symbolique, après la réforme des retraites, du deuxième quinquennat du Président Emmanuel Macron : l'un économique et social, l'autre régalien.
Le texte sera examiné par l'Assemblée Nationale à partir du 27 novembre 2023. La position du groupe LR à l'Assemblée Nationale, présidé par Olivier Marleix, sera cruciale puisque la majorité présidentielle ne bénéficie que d'une majorité relative à l'Assemblée. Majoritaire au Sénat, susceptible d'apporter la majorité à l'Assemblée, Les Républicains, parti présidé par Éric Ciotti, est donc en position de faiseur de loi à défaut d'être faiseur de roi.
Il faut toutefois se rappeler que la réforme des retraites de ce printemps avait été amendée et adoptée par les sénateurs LR, mais rejetée par une grande partie du groupe LR à l'Assemblée, car les députés LR ont été très majoritairement élus dans leur conscription face à un candidat de la majorité présidentielle. La discussion du texte sur l'immigration à l'Assemblée, prévue du 27 novembre au 3 décembre 2023, promet donc d'être rocambolesque et pleine de rebondissements.
Au-delà de donner un contenu au quinquennat d'Emmanuel Macron, le texte sur l'immigration a aussi un enjeu national essentiel : il préfigure les conditions de la prochaine élection présidentielle prévue en avril 2027. En effet, selon que ce texte sera considéré comme utile ou pas, efficace ou pas, par les Français sur l'immigration, le candidat ou la candidate issu du Rassemblement national aura plus ou moins de chance de l'emporter dans trois ans. On comprend ainsi la main tremblante de tous les responsables politiques de droite, du centre et de la majorité présidentielle sur cette question (les responsables de gauche, fidèles à leur laxisme habituel, ne surprendront pas en votant systématiquement contre ce texte).
Et plus particulièrement, c'est la position de LR qui est en jeu puisque ce parti toujours en grand écart entre l'opposition (trop populiste de droite) et la majorité (trop macroniste pour se distinguer) devra bien adopter une ligne définitive. Le Sénat, fidèle à sa sagesse, a décidé, comme pour la réforme des retraites, d'être constructif, mais on a vu des députés LR particulièrement virulents contre le gouvernement pour penser que la situation est un peu différente à l'Assemblée.
Ce texte, qui est un texte négocié et savamment équilibré, a pour titre " contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ". Inutile de rappeler que, selon la marque de fabrique du macronisme politique, il est question du
Soit dit en passant, l'autre enjeu politique, très personnel, est l'avenir du Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer,
Cette disparition de l'aide médicale d'État était demandée par les ailes droitières de la classe politique depuis une vingtaine d'années. Qu'est-ce que c'est ? C'est une aide sociale financée par le budget de l'État et pas de la Sécurité sociale qui prend en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière vivant sur le territoire français depuis plus de trois mois sous condition de ressources. Elle a été créée par le gouvernement de
L'AME a bénéficié d'un écho médiatique très important avec beaucoup de fausses impressions, d'erreurs, de désinformations, comme si c'était à cause d'elle que les étrangers venaient irrégulièrement sur le sol français, comme si c'était un vecteur de promotion d'un certain tourisme médical français. La véracité des conditions de revenus est effectivement impossible à vérifier puisque, justement, les sans-papiers sont sans papiers, et seules les attestations sur l'honneur font foi. Pourtant, même si cela n'empêche pas les abus, beaucoup d'étrangers en situation irrégulière ne se soignent pas et ne cherchent pas à bénéficier de l'AME car ils craignent d'être découverts et expulsés.
Il y a trois type de fraudes à l'AME : tromper sur son identité, sa résidence et ses ressources. Les suspicions de fraude sont souvent sur des personnes qui seraient en France depuis moins de trois mois. Selon la Caisse nationale d'assurance maladie, 60% des bénéficiaires de l'AME sont en France depuis plus d'un an. En 2019, sur 11,4% des dossiers d'AME inspectés, seuls 4% ont été rejetés.
En fait, l'aide médicale d'étranger en situation irrégulière a toujours été financée en France, son principe est même établi dès la loi du 15 juillet 1893 avec l'assistance médicale gratuite. La loi n°93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, dite loi Pasqua 2, impose que la personne soit en régularité de séjour pour bénéficier de l'assurance maladie, ce qui impose un dispositif particulier pour les personnes en situation irrégulière.
Ce que le gouvernement Jospin a mis en place, c'est sa budgétisation officielle. En effet, dans le cadre d'un contrôle des performances des dépenses publiques, des moyens d'établir la réalité de cette dépense publique ont été installés dans tous les domaines de l'État. Aucun médecin dans aucun hôpital français n'a jamais refusé de soigner un patient en fonction de son compte en banque ou de sa situation au regard de la loi. Simplement, les coûts étant maintenant scrutés à la loupe, il fallait bien donner un cadre formel pour cette situation des personnes étrangères en situation irrégulière.
Du reste, le montant de l'AME n'est pas catastrophique même s'il n'est pas négligeable. En 2022, la loi de finances a provisionné 1 079 millions d'euros, soit un peu plus de 1 milliard d'euros (je rappelle que le déficit se situe à plus de 100 milliards d'euros par an), en légère augmentation par rapport à 2021 (+1,1%). 369 000 personnes ont bénéficié de l'AME en 2021. En 2020, le coût de l'AME a été d'environ 2 500 euros par bénéficiaire (pour plus des deux tiers en établissements hospitaliers), ce qui était inférieur au coût moyen des dépenses médicales pour la population française, qui était de 3 100 euros par personne.

Cette aide médicale d'État pourrait être considérée seulement comme un geste de solidarité et surtout de fraternité (incluse dans notre devise républicaine) pour venir en aide aux personnes malades sans-papiers. Et c'est cette générosité qui n'a cessé de se dégrader et d'être montrée du doigt par les ailes droitières de la classe politique. Mais on oublie un peu trop une autre raison qui serait beaucoup plus importante et là, qui serait plus égoïste pour la population française : l'AME soigne les étrangers, certes, mais elle protège aussi toute la population française en situation régulière pour la simple raison que les maladies transmissibles ne font pas dans la distinction de situations.
C'est même pire puisque la plupart des étrangers en situation irrégulière ont plus de risque d'être malades que les autres, parce qu'ils viennent de pays sanitairement moins performants et leur arrivée se fait dans des conditions sanitaires parfois très difficiles. Des études montrent une surreprésentation des maladies transmissibles chez les bénéficiaires de l'AME. Il y a des statistiques qui peuvent faire frémir : par exemple, seulement 6% des patients atteints d'hépatite B connaissent leur diagnostic avant de venir en France. Les autres les ignorent et risquent de contaminer les autres, des Français.
Pendant les premiers mois de la pandémie de covid-19, avant de connaître le vaccin à ARN messager, on a vu à quel point une maladie contagieuse pouvait se répandre rapidement et partout quand on ne la traitait pas. C'est le cas de toutes les maladies contagieuses si on n'en fait pas diagnostic et si on ne les traitent pas, soit préventivement par les vaccins, soit en les soignant. La santé est un trésor qui ne peut être que collectif et le moindre trou dans la raquette rejaillit sur tout le monde.
L'accord entre la majorité présidentielle et Les Républicains paraît donc plus une posture destinée à un électorat tenté par le RN qu'à une réelle prise de responsabilité. La disparition de l'AME pourrait réduire la protection sanitaire des Français, d'autant plus que l'État ne maîtrise pas la situation des sans-papiers, puisque ces personnes sont dans la clandestinité. De nombreux médecins ont ainsi dénoncé, en dehors de toute arrière-pensée politique, cette suppression car ils voient bien que cette AME est une nécessité sanitaire. De plus, l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) a laissé entendre dans ses études que limiter les droits proposés par l'AME pour lutter contre l'immigration clandestine et réduire fortement les dépenses de santé serait un leurre et raterait sa cible car cela ne découragerait pas les gens de venir en France et cela risquerait d'accroître les dépenses médicales en raison des conséquences sanitaires désastreuses que cela entraînerait. Lionel Jospin par la loi 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la couverture médicale universelle (CMU) qui est entrée en vigueur le 1 Gérald Darmanin, qui joue ici toute sa crédibilité pour devenir un candidat valable à l'élection présidentielle. Pour l'instant, il est au charbon, et il doit encore faire ses preuves, mais l'adoption du texte à l'Assemblée sans article 49 alinéa 3, quelle qu'en soit la rédaction, sera une victoire politique personnelle du ministre dont ne pourront pas s'enorgueillir ses rivaux potentiels Bruno Le Maire et Édouard Philippe.
Venons-en au fond de cet accord entre la majorité présidentielle et Les Républicains : il s'agit principalement de cette fameuse aide médicale de l'État (AME), qui est, dans l'article 1 er er
Invité de la matinale de France Inter le 15 novembre 2023, le Président du Sénat Gérard Larcher a voulu rassurer le personnel médical en rappelant que l'AME a été remplacée par l'aide médicale d'urgence : " Sur la question de l'aide médicale d'urgence, le vote du Sénat a fait qu'il y a dans cette aide les maladies graves, les urgences, la grossesse... C'est le médecin qui appréciera le caractère urgent ou non : c'est une clarification de ce qui peut être apporter aux hommes et aux femmes qui sont en situation irrégulière dans notre pays. ". En cas de retour de l'AME dans le texte à l'Assemblée, il a lancé un avertissement : " Ce serait un signal, (...) un facteur d'appel à des migrations plus importantes. ".
L'aide médicale d'urgence proposée par le nouveau texte évoque son application pour " la prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ; les soins liés à la grossesse et ses suites ; les vaccinations réglementaires ; les examens de médecine préventive ; la prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique ". Selon la loi de finances de 2022, 70 millions d'euros seulement étaient réservés aux soins urgents sur les 1 079 millions d'euros au total de l'AME.
Pour Gérard Larcher, qui était vétérinaire chevalin de métier avant ses engagements politiques, la suppression de l'AME ne mettrait pas la santé des Français en danger avec cette prise en compte de l'aide médicale d'urgence. Il y a donc deux possibilités : ou ce qu'il dit se révèle vrai, et dans ce cas-là, ce n'est qu'une question de vocabulaire (comme l'INSP, Institut national du service public, a remplacé l'ENA), et l'option de la posture symbolique est confirmée, ou ce n'est pas le cas et la santé des Français est moins protégée. Dans les deux cas, ce n'est pas très responsable et cela pêche surtout par des concessions à la démagogie ambiante.
L'aide médicale d'État est une sorte de vortex qui attire en effet toutes les démagogies, tous les fokon et les yaka. Un bouc émissaire facile à désigner, à comprendre, alors que le phénomène migratoire a des ressorts beaucoup plus complexes. Mais l'enjeu, je le rappelle, reste l'élection présidentielle de 2027 : en n'écoutant pas la démagogie ambiante, les partis gouvernementaux prennent le risque de laisser le pouvoir à des partis beaucoup moins sérieux et beaucoup moins sages pour l'intérêt des Français. Cette concession, sémantique sinon sanitaire, à la loi sur l'immigration serait alors le minimum symbolique pour parfaire devant leur électorat respectif l'idée que ces partis lutteraient efficacement contre l'immigration clandestine. Je ne crois cependant pas que cet électorat puisse être dupé et que le risque électoral de 2027 en soit réduit.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2023)
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Pour aller plus loin :
Des bleus à l'A.M.E. (aide médicale d'État) : entre posture et protection.
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