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La première historique du Canada, l'épopée de la Slovénie, la séquence émotion des États-Unis, l'écroulement de la République Tchèque, la déconfiture de la France, beaucoup d'images, parmi tant d'autres, nous reviennent à l'esprit tandis que s'est achevée hier, dans l'ambiance un peu spéciale de l'Estadio la Cartuja, à Séville, une édition 2023 de la Billie Jean King Cup durant laquelle a été célébré le beau jeu.
La sensation canadienne pour un premier titre.
Si l'on ne devait retenir qu'une chose, ce serait bien entendu le titre de champion du monde acquis par le Canada, le premier de son histoire. D'ailleurs, le Canada n'avait jamais disputé une finale, ce qui rend l'exploit encore plus fort. Heidi El Tabakh, la capitaine, a réussi sa délicate mission : rassembler une équipe compétitive avec une ossature s'articulant autour de Leylah Fernandez qui, du haut de ses vingt-et-un ans et sont petit mètre soixante-huit, a su galvaniser les troupes en défendant héroïquement chaque centimètre carré de terrain sans jamais reculer. Sa victoire contre Marketa Vondrousova, alors qu'elle était poussée dans les cordes, en fut un exemple, sans oublier l'autorité dont elle a fait preuve contre la meilleure joueuse italienne du moment, Jasmine Paolini. Aidée de l'expérimentée joueuse de double Gabriela Dabrowski, compétitrice née, mais surtout de la jeune Marina Stakusic, dix-huit ans et révélation du tournoi, Fernandez a franchi un cap important dans sa jeune carrière en propulsant son pays vers les sommets.
La Slovénie va jusqu'en demi-finales.
Pour sa première participation en phase finale, la Slovénie a crée la grosse surprise en parvenant à sortir d'un groupe compliqué alors que beaucoup s'attendaient à ce qu'elle termine dernière. C'était sans compter l'opiniâtreté de la talentueuse Kaja Juvan, d'abord autoritaire contre Ajla Tomljanovic puis, expéditive contre Anna Danilina, bien que les slovènes aient fini par s'incliner (sans conséquence dramatique pour elles) face au Kazakhstan. Si la différence s'est faite ressentir face à des italiennes survoltées, la Slovénie a montré une remarquable cohésion tout au long de la semaine et surtout une véritable joie d'être là, une de ces joies communicatives qui fait du bien en ces temps troublés. Un petit pays mais, une grande nation de sport.
L'Italie aussi redoutable que décevante.
Tathiana Garbin, capitaine de l'Italie, avait décidé de frapper un grand coup en concevant l'une des plus grandes Squadra Azzurra qu'on ait pu voir depuis longtemps en Coupe du Monde de tennis. Elle a donc convoqué les joueuses italiennes les plus fortes de l'année, dont la nouvelle idole de tout un peuple, Jasmine Paolini, la stakhanoviste des courts Martina Trevisan et la marathonienne Elisabetta Cocciaretto, capable de tenir quatre heures en plein cagnard sans rechigner. La sauce bolognaise de Garbin a rapidement pris avec une phase de poules largement dominée par les transalpines au grand malheur des françaises et des allemandes qui en ont fait les frais. C'est après que les choses se sont compliquées. Victorieuses avec beaucoup d'aisance des slovènes, les italiennes se sont violemment encastrées dans la cabane canadienne avec une Paolini méconnaissable et une Trevisan dont les cris guerriers n'ont pas suffi à faire craquer la jeune Stakusic, glaciale d'efficacité. On en restera donc à une sauce refroidie et surtout l'échec d'un effectif pourtant impressionnant qui n'a plus remporté l'épreuve depuis dix ans.
Les États-Unis ont été trop limitées.
Sans la présence de ses cadres, Coco Gauff, Jessica Pegula et Madison Keys, les américaines n'avaient que peu de chances de s'imposer, d'autant plus qu'elles figuraient dans le groupe de la mort avec les tchèques et les suissesses. Pourtant, l'on sentait qu'elles étaient désireuses de bien faire pour honorer le tout dernier capitanat de leur figure de proue Kathy Rinaldi, à la tête de l'équipe depuis sept ans. Si les choses avaient plutôt bien débutées face à une très faible équipe de Suisse, l'élan allait ensuite se briser contre un mur tchèque impénétrable, et ce malgré la combativité et la hargne dont a fait preuve Danielle Collins, issue du sport universitaire, et qui retrouvait ici son niveau dantesque de 2021, année où elle avait atteint la finale de l'Open d'Australie. Hélas pour les USA, les limites du système sont apparues contre des tchèques plus déterminées que jamais. Si Collins est demeurée invaincue en simple, sa compatriote Sofia Kenin a montré qu'elle encore très loin d'avoir retrouvé le niveau qui lui avait permis de gagner à Melbourne en 2020. On imagine que le scénario aurait sans doute été différent avec la présence de toutes les cadres. Cependant, les États-Unis peuvent envisager l'avenir avec sérénité quand on voit ce dont sont capables leurs jeunes pousses.
La République Tchèque, ce mystère insondable.
Difficile pour notre cerveau de rassembler tous les éléments pour essayer de comprendre ce que la République Tchèque a fait cette semaine. Bon d'accord, il n'était pas compliqué de battre la Suisse, même en alignant Linda Noskova pour laisser Marketa Vondrousova au repos, à peine de retour des Masters de Cancun. C'est la suite de l'histoire qui est plus obscure car, comment perdre contre le Canada après la leçon infligée aux américaines par Vondrousova et la paire Krejcikova/Siniakova ? Comment Vondrousova, souveraine et punitive contre Sofia Kenin, a-t-elle pu le lendemain s'incliner contre Leylah Fernandez alors qu'elle avait toutes les cartes en main pour emmener son pays vers le titre ? Comment l'une des meilleures paires de double au monde a-t-elle pu se faire surprendre par la paire canadienne Dabrowski/Fernandez ? Bref, comment l'un des plus gros cuirassés du tennis féminin par équipes a-t-il pu sombrer corps et âme alors que les planètes semblaient alignés pour préparer un triomphe total ? Tandis que le Canada finissait d'accomplir son œuvre d'art, Barbora Krejcikova et Katerina Siniakova mettaient fin à dix ans de collaboration (sept titres du Grand Chelem ensemble et médaille d'or olympique en 2020) en décidant de se séparer. Malaise...
La Suisse et l'Australie pas à la hauteur.
Pour son dernier capitanat, Alicia Molik espérait bien un sursaut de ses compatriotes australiennes qui courent après le titre depuis 1974 (!) et qui restaient sur deux défaites cruelles, en 2019 à la maison, contre la France, malgré la présence d'Ashleigh Barty, et en 2022 contre la Suisse. Ajla Tomljanovic, qui fut de des deux campagnes malheureuses, effectuait donc son retour dans l'effectif afin de tirer les espoirs vers le haut, avec à ses côtés la nouvelle numéro une mondiale en double, Storm Hunter, qui avait déjà porté l'équipe vers l'avant à Glasgow l'année dernière. Mais, l'illusion était trop flagrante. Toujours trop juste physiquement après une longue période de convalescence, Tomljanovic ne pouvait à elle seule redonner de l'élan à un effectif trop juste, composé d'une Daria Gavrilova elle aussi longtemps convalescente et d'une Kimberly Birrel également blessée longtemps et qui n'avait clairement pas le niveau. Si Hunter est parvenue à sauver les apparences en évitant le désastre contre le Kazakhstan, l'Australie ne pouvait pas espérer grand chose. Tout comme la Suisse. Les tenantes du titre, qui alignaient quasiment la même équipe championne du monde en 2022 hormis la nouvelle venue Céline Naef, dix-huit ans et prometteuse, n'étaient clairement pas dans le coup. Par contre, ce n'est pas de condition physique dont il est question ici mais, bel et bien d'un niveau en forte baisse par rapport à l'année dernière. Jil Teichmann, par exemple, a disparu du top 100 cette année après avoir connu une embellie en 2022. Viktorija Golubic est avant tout une très bonne joueuse de circuit ITF (elle y a encore gagné cette année) qui ne parvient plus à faire la différence dans l'élite. Quant à Belinda Bencic, le fait qu'elle n'ait pas été utilisée est normal de par l'annonce de sa grossesse. Mais alors, pourquoi l'avoir sélectionnée alors qu'une autre joueuse aurait très bien pu avoir sa chance ? Mystère... Quoi qu'il en soit, une Suisse aussi faible ne pouvait même pas espérer un miracle dans un groupe aussi relevé, avec les USA et la République Tchèque.
L'Espagne, la Pologne et le Kazakhstan pouvaient mieux faire.
Le pays hôte avait sans doute les moyens de briller à domicile avec la présence dans son effectif de sa joueuse la plus en vue cette saison, Sara Sorribes Tormo. Hélas, la mayonnaise n'a prise que beaucoup trop tard et le Canada est passé par-là. Avec une très décevante Rebecca Masarova, sans doute pas à la hauteur de l'événement et une Paula Badosa inutilisée, trop occupée sans doute à fanfaronner dans les tribunes ou à faire ses shootings photo sur les réseaux sociaux, la malheureuse capitaine Anabel Medina Garrigues n'a pu que constater les dégâts. Fort heureusement, l'histoire s'est terminée sur un sourire par un sursaut d'orgueil face à la Pologne, elle aussi très faible, notamment lors d'un match superbe opposant Sorribes Tormo à Magda Linette. La Pologne, justement. Sans sa patronne Iga Swiatek, couronnée à Cancun et redevenue numéro une mondiale, que pouvait-elle espérer ? L'équipe avait pourtant belle allure sur le papier avec, en plus de Linette, Magdalena Frech et Katarzyna Kawa, deux joueuses d'expérience à qui on ne la fait pas. Au final, la Pologne a perdu tous ses matches de poules, sans vraiment être inquiétante. Magda Linette a notamment confirmé sa terrible baisse de niveau depuis sa folle épopée à l'Open d'Australie en début d'année. Dommage car, les polonaises avaient vraiment moyen de faire quelque chose dans le tournoi. Un constat qui vaut aussi pour les kazakhes. Disons le clairement, l'équipe concoctée par la capitaine Yaroslava Shvedova faisait peur, à tel point qu'on pouvait la considérer comme l'épouvantail de la compétition. Mais, là aussi il n'en fut rien. Si Yulia Putintseva, joueuse au fort tempérament, a bien rempli son rôle de patronne, elle s'est hélas retrouvée très vite isolée à cause d'une absence de profondeur dans l'effectif alors que, pourtant, l'une des meilleures joueuses du monde, Elena Rybakina, était bel et bien présente mais, pas utilisée. Pourquoi ? Était-elle trop juste physiquement après son retour du Mexique ? Était-elle insuffisamment remise d'une blessure ? Était-elle malade ? Assise dans les tribunes, Rybakina semblait avoir parfois le regard perdu et n'était pas toujours prompte à se lever pour encourager ses camarades de jeu. Étrange ambiance, lourde, pesante, dans cette équipe.
La France au bout du rouleau.
Nous n'allons pas refaire le procès que nous avons déjà fait dans un précédent article. Il était acté que l'équipe de France n'irait pas très loin dans la compétition et cela s'est vérifié sur le court. Pourtant, nous avions senti que quelque chose pouvait se passer contre l'Italie. Nul doute que la Caroline Garcia de 2022 et une Alizé Cornet au top de sa forme, voire une Clara Burel en confiance, auraient pu venir à bout des transalpines. Si l'honneur a été sauvé contre une Allemagne trop vieille pour rivaliser, la France repart donc sur un échec et des montagnes de doute avant une année 2024 cruciale durant laquelle le spectre d'une relégation en division inférieure pourrait venir nous hanter. N'attendons pas que le désastre arrive, changeons tout dans cette équipe, maintenant !