La gastronomie de l’Etat d’Hidalgo avec le festival ¡Qué Gusto!

Par A Bride Abattue @abrideabattue
J'avais déjà eu un avant-goût de la gastronomie d’Hidalgo et de quelques-unes des surprises qu’elle apporte le soir du lancement de la 9ème édition du festival ¡Qué Gusto! le 12 octobre dernier, mais je vais pouvoir approfondir au cours d’une conférence dédiée à cet État à l’Institut culturel du Mexique.
En Hidalgo un proverbe prévient que tout ce qui court, traine ou vole part à la casserole, ce qui explique que cet Etat possède la cuisine la plus identitaire de tout le Mexique.
Lorsqu’on échange avec les cuisinières traditionnelles de la région, elles racontent que cette philosophie de consommer tout ce que la nature offre remonte à l'époque préhispanique, une période où l'esthétique des plats importait peu. Cependant cet aspect est totalement satisfait aujourd'hui par la disposition artistique de quelques fleurs.Qu'ils soient grands, petits ou minuscules, les animaux trouvent leur place dans les plats de la région. De même, une grande variété de fleurs et de champignons sauvages sont utilisés en cuisine. Tous ces ingrédients constituent l'essence même de la gastronomie d'Hidalgo, et ce fut précisément le sujet que Ximena Velasco, la fondatrice directrice du festival a traité lors de la conférence en compagnie de Liz Quintanar, Ministre du Tourisme de l’Etat d’Hidalgo (ci contre) et surtout (si je puis dire) de Doña Luisa Anaya, invitée spéciale, cuisinière traditionnelle d’Hidalgo.Je rappelle qu'elle a remporté la première place du concours national de cuisine "Le goût de la patrie" (Así sabe la patria), auquel participaient 300 autres cuisinières, avec son "lapin au four garni de fleurs sauvages, enveloppé dans des feuilles d'agave, sauce de figues de Barbarie rouges" en 2022. On a du mal à se l'imaginer mais la manifestation a présenté cette année 1400 plats différents. Le Festival de cuisine pré-hispanique se déroule la première semaine d'avril à Santiago de Anaya (à 133 km au nord de Mexico) et il est unique au Mexique.Cette femme remarquable est une cuisinière traditionnelle qui a l'envergure d'une chef et c'est un honneur de la rencontrer.Il est admirable qu'elle parvienne encore à vivre dans les traditions de sa région et de pouvoir ainsi en être la garante. Elle a appris à cuisiner dès l'âge de 8 ans, obligée par les circonstances de faire la cuisine pour ses 12 frères et soeurs. Malgré un sol de terre, sans table ni chaise et très peu d'ustensiles, concentré essentiellement sur le métate (une large pierre incurvée sur laquelle écraser les aliments au rouleau), elle cuisine toujours ce que sa mère trouvait dans la nature, vers, insectes, oeufs de fourmi, champignons, herbes, fleurs, qu'elle conserve déshydratées pour en disposer toute l'année. Du coup elle ne rencontra aucun souci d'approvisionnement pendant la pandémie puisqu'elle s'est affranchie du commerce depuis toujours.Elle a eu la gentillesse de s'exprimer dans sa langue maternelle, l'ottomi, qui est la langue de l'amour. La conserver vivante est essentiel en ce moment où le gouvernement mexicain commence à donner leur place aux populations indiennes. Ceux qui ne connaissent pas le Mexique pourront à tors estimer que par exemple le port de vêtements traditionnels est un geste touristique. pourtant lorsqu'on y séjourne on constate que c'est encore tout à fait normal de le faire. Les broderies sont partout, sur les blouses, les robes, les serviettes et les nappes. Elles sont belles, très colorées et faciles à entretenir. Elles participent au régla des yeux.Les insectes sont des aliments dont la consommation est très banale au Mexique depuis des milliers d'années, et surtout dans le centre du pays. On en trouve vendus sur tous les marchés (ci-dessus dans le quartier chic de Polanco, à Mexico) mais aussi dans la rue, proposés dans de grands seaux par des vendeurs ambulants.Le plat qui nous a été proposé de partager après la conférence était une tostada de maïs bleu avec une sauce piquante et des insectes. Ceux-là vivent sous l'agave, ont été grillés pour les garder dans des bocaux réfrigérés. Ils étaient ultra croustillants, vraiment délicieux mais tous les participants n'ont pas été capables de les croquer. On sait pourtant que ce sera l'alimentation du futur … car ils sont une source de protéines toujours disponible.Certes il ne faut pas craindre de mettre les mains dans la terre et d'affronter les piqures des fourmis. Les femmes emploient une sorte de tamis pour filtrer la terre et puiser les oeufs un par un. On raffole d'insectes qui se cachent dans le mesquité (un arbre) qui sont des sortes de petite cafards très noirs dont le goût serait trop fort pour les manger cru, et qui sont intéressants pour les diabétiques.Nous avons vu également la réalisation de plats traditionnels comme la barbacoa, par le biais d'un film tourné avec David Gallienne.Situé à une heure au Nord de la ville de Mexico, Hidalgo n'a pas fini d'être une destination surprenante avec sa gastronomie, son patrimoine minier, ses gisements d'obsidienne, ses vieilles mines d'or et d'argent, ses anciens couvents reconvertis en hôtels, ses forêts, ses rivières (et leurs truites) et ses eaux thermales coulant sur un sol volcanique. On y trouve tout excepté les extrêmes comme la montagne enneigée et la plage.Neuf villages sont labellisés "Pueblo magico" et parmi eux Omitlán de Juárez qui va être qualifié de plus beau village du monde par l'Organisation mondiale du Tourisme en saluant ses caractéristiques écologiques, durables et responsables.Le festival¡Qué Gusto! est une opportunité pour promouvoir la culture gastronomique mexicaine en France à travers son histoire, son savoir-faire traditionnel et même ses ustensiles (comme le moussoir que j'utilise pour le chocolat et dont on peut voir un spécimen ici), ce mortier en pierre volcanique qui s'appelle metate, les assiettes en terre cuite.Chacun peut trouver un plat à son goût, du taco à l'étoilé et vivre un moment de partage. Et puisque c'est en ce moment la saison des courge Doña Luisa Anaya recommande une recette avec le piloncello, un sucre intégral de couleur brun foncé, non raffiné et en forme de cône tronqué, obtenu avec le jus de la canne à sucre, qui est cuit à haute température pour donner une sorte de mélasse.
On coupe la courge en morceaux que l'on couvre d'eau, et que l'on cuira avec de la cannelle, des zestes d'orange et du piloncello. On arrête la cuisson à caramélisation.