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Le paradoxe des transports latino-américains

Publié le 12 novembre 2023 par Espritvagabond

Aujourd'hui, nous devions aller visiter les ruines de Mayapan. J'avais pris les informations à l'avance, LUS compagnie d'autobus partant du Terminal Noreste de Merida se rendait près du site sur la route, à quelques minutes à pied de l'entrée. La veille, j'étais allé m'informer des horaires du bus; le premier étant à 7h30 AM. La station Noreste étant à 40 minutes de marche d'où on loge, nous nous sommes levé tôt (6h), avons préparé les bagages pour la journée (déjeuner, dîner, eau, anti-moustique, écran solaire, etc.) et nous avons acheté nos billet et attendu notre autobus. Puis, au moment d'embarquer, le chauffeur voit notre destination et nous informe qu'on peut bien y aller, mais que le site de Mayapan est fermé en ce moment. (Aucune explication de sa part, il ignore pourquoi le site est fermé, mais il le constate chaque jour en passant - mon hypothèse; les fameux travaux sur le Tren Maya, j'y reviendrai dans un autre billet). Remboursement des billets de bus, rien ne sert d'aller à 1h au sud si le site archéologique ne peut pas être visité.
Quelques minutes de brainstorming, on a lu sur plein d'autres lieux à voir dans les environs, lequel demande un bus qui part de cette station? Xcambo se trouve à quelques minutes de collectivo d'une ville portuaire au nord-est appelée Telchac Puerto. Le prochain bus est à 8h, il est 7h40, on achète donc des billets. En attendant le bus, on décide de déjeuner, puisqu'on devait manger dans le bus vers Mayapan et qu'il est plus facile de manger sur les bancs stables de la station.

Puis on borde le bus... qui part de Merida à 8h et commence une longue, très loonguue route qui le mène de village en village, à zigzaguer sur les petites routes pendant ce qui parait une éternité, mais dure quand même 2h30. Notons ici que Telchac Puerto est à environ 40 minutes de route de Merida. On mettra donc 2h30 à s'y rendre... pour découvrir qu'il n'y a pas grand chose à y voir (malgré les prétentions touristiques - plage, port, baignade, resto de fruits de mer - de l'endroit). Nous sommes, littéralement, les seuls gringos sur place.

Le paradoxe des transports latino-américains

Tuktuk

Comme l'idée était de joindre Xcambo (c'est un site Maya près du Golfe du Mexique, peu visité, moins imposant que Mayapan), on tente de s'informer pour un collectivo qui va par là, donc vers Progresso. On nous parle alors d'un transport qui passe à midi, et un autre à 4h15. Sinon, le seul autre transport est le bus zigzaguant qu'on a pris pour arriver, et qui retourne éventuellement à Merida en 2h30. Hors de question de reprendre ce bus et faire 40 min de route en 2h30 de retour, le plan est donc de tenter de se rendre à Xcambo, puis attraper le collectivo pour Progresso, d'où nous savons pouvoir prendre un bus d'environ 45 min à 1h vers Merida pour revenir.

Il n'y a pas de collectivo qui passent avant midi, il est passé 10h45. On remarque des tuktuks passent à l'occasion et que quelques-uns semblent prendre des passagers. Après avoir tenté d'en interpeler un ou deux sans succès, le 3e s'arrête devant nous et nous offre l'aller-retour Xcambo, ce qui nous permettra de visiter le site et revenir prendre le collectivo vers Progresso.

Le paradoxe des transports latino-américains

Ministres des transports du Québec

Nous acceptons donc son offre, nous rendons au site archéologique de Xcambo et on en profite même pour nous arrêter à Laguna Rosada admirer les flamands roses en passant. Puis, après la visite du site (petit site mais quelques structures fort intéressantes qui feront l'objet d'un billet avec photo, à part, tout comme Laguna Rosada), on remarque qu'il n'est que 12h15... Évidemment, trop tard pour revenir à Telchac Puerto, puis prendre le collectivo de midi, ce qui nous fera poireauter à Telchac Puerto jusqu'à 16h15 pour le prochain collectivo, puis prendre un bus de Progressso vers Merida et rentrer en ville assez tard.

Par contre, le collectivo vers Progresso qui partait à midi n'est peut-être pas rendu autant à l'ouest que notre position près de la route qu'il emprunte. Notre chauffeur de tuktuk confirme que le collectivo passera au croisement au nord de Xcambo quelques minutes plus tard, et il nous amène donc audit croisement, où apparait le bus à peine 2 minutes après être arrivé sur place. Notre chauffeur de tuktuk fait signe au chauffeur de bus et il s'arrête pour nous faire monter. Je demande si c'est bien le transport vers Progresso, et il fait non de la tête. Le gars du tuktuk insiste, c'est bien le bon bus. Le chauffeur s'explique: il ne se rend pas jusqu'à Progresso, mais bifurque à Chicxulub, à quelques kilomètres de Progresso, mais il y a des collectivos qui partent de Chixulub pour Progresso. On embarque donc.

Ne connaissant pas du tout le trajet, je pars m'informer au chauffeur quand je vois que le bus arrive dans Chixulub, et une gentille dame assise dans la 3e rangée m'informe que notre arrêt s'en vient, juste avant que le bus ne bifurque vers le sud, de la suivre, qu'elle va aussi à Progresso. Quelques minutes plus tard, on descend en sa compagnie, alors que notre bus repart vers le sud. On marche dans le centro de Chixulub et atteint la station de collectivos, au moment où celui marqué Progresso quitte justement. On fait signe au chauffeur, et on embarque pour Progresso.

Le paradoxe des transports latino-américains

Xcambo

Quelques kilomètres plus loin, le collectivo nous débarque en lieu connu; le centro de Progresso. Avant de décider de la suite, on se rend au terminus des bus vers Mérida pour voir à quelle heure est le prochain bus de retour... et à notre entrée dans le terminal, on voit les gens qui montent justement dans le bus. Comme il y en a un par heure, on achète des billets et on monte. Il est 13h.

Après le départ du bus, on mange notre dîner dans le bus, qui nous ramène à Mérida à 14h. Nous sommes évidemment bien content du trajet de retour, puisqu'il nous a épargné à la fois d'attendre à Telchac Puerto jusqu'à 16h15 et épargné le trajet de tortue zigzagante de l'autre compagnie qui aurait pris 2h30 pour revenir.

[Tout ce trajet pour voir quelques flamands roses à Laguna Rosada et le petit site maya de Xcambo. Ça valait la peine? Oui, bien sur, découvrir des choses est toujours intéressant, et la vue des dizaines et dizaines de flamands roses était spectaculaire, en plus de pouvoir visiter un site archéologique que je n'avais jamais vu. Ceci dit: est-ce que j'aurais fait cette journée de visite en sachant d'avance que ça prenait 2h30 pour se rendre à Telchac Puerto et qu'il fallait prendre 4 autres transports pour visiter le site et revenir à Mérida sans attendre la tombée de la nuit? Probablement pas].

Toute l'aventure des transports du jour me rappelle ce que j'appelle le paradoxe des transports latino-américains; toute l'affaire a toujours l'air parfaitement inefficace et désorganisée; une panoplie de vieux bus déglingue, des minivans, des tuktuks, du bouche à oreille, les horaires inscrits dans les terminus erronés la moitié du temps, bref, tout ça fait désordre... mais ça marche.

Le paradoxe des transports latino-américains

Vagabond

Non seulement nous avons pu nous rendre à Xcambo et Laguna Rosada - une affaire totalement impossible à imaginer pour un site du genre au Québec sans voiture - mais en plus, nous avons réussi à revenir par un moyen alternatif plus rapide que l'aller, quand on a constaté que l'option retour de 2h30 ne nous tentait pas. Et on peut bien se demander comment un bus peut prendre 2h30 pour faire 40 minutes de routes, mais justement, ce bus, il dessert une dizaine de villages qui sont parfois près de la route principale, parfois loin, il s'y rend, les traverse, y fait monter et descendre ses passagers, et ces villages et petites villes du fond du Yucatan, sont donc mieux desservies que toutes les villes du Québec par des transports collectifs inter-cités. Et ce, plusieurs fois par jour.

C'est ça le paradoxe des transports latino-américains (j'ai souvent expérimenté le même genre de choses qu'aujourd'hui dans divers autres pays d'Amérique Centrale et d'Amérique du sud, d'où l'inclusions large): Ça a l'air tout croche et broche à foin, mais on se rend du point A au point B, plus souvent qu'autrement dans un délai surprenant - l'heure et demie pour revenir combinait tuktuk, bus, collectivo et autre bus, et nous avons attendu après ces 4 transport moins de deux minutes!). Et très souvent, tout ça se fait à très bas prix, en plus. Alors que notre société "moderne" ne nous permet rien de ça chez nous.

L'Esprit Vagabond, journal de voyage, jour 25.

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