« Les meilleures photos sont celles que je n’ai pas prises » disait Elliott Erwitt. Impossible pourtant de passer à côté de ses clichés sans s’y attarder ne serait-ce que deux secondes. Car s’il résume modestement son art à « se mettre à un endroit et attendre qu’il se passe quelque chose », c’est précisément sa manière d’immortaliser l’instant avec un regard rien qu’à lui qui rend son travail si singulier. Tout particulièrement sur ses images en noir et blanc qui ont largement contribué au succès de ce photographe franco-américain.
Marilyn Monroe durant le tournage du film « Les Désaxés ».L’exposition « Elliott Erwitt. Une rétrospective » à la Sucrière de Lyon lui rend un bel hommage dans le cadre d’un parcours réunissant 215 photographies. Toutes rendent compte de la profonde sensibilité de l’artiste, et ce quelque soit le sujet abordé. A la fois peintre de l’intime et spectateur de la comédie humaine, on retrouve aussi bien sa pâte en tant que portraitiste de personnalités comme Marilyn Monroe, Ernesto « Che » Guevara ou Alfred Hitchcock que dans ses clichés pris sur le vif, mettant en scène tantôt des enfants, des femmes, des animaux, sans oublier des visiteurs de musées (un « gibier de choix ») en passant par les nudistes ! « Une affaire sérieuse » qui l’amuse beaucoup et qui en fait glousser bien d’autres.
Entre malice, humour et ironie
Si l’unité de l’oeuvre d’Erwitt se traduit surtout à travers ce regard espiègle qu’il pose sur le monde, ses travaux présentent bel et bien une dualité que la scénographie de l’exposition ne manque pas de souligner. Le photographe n’a de cesse de combiner deux techniques, en réservant la couleur à son travail professionnel pour mieux laisser le noir et blanc s’exprimer au service de sa fantaisie. D’après lui, celui-ci saisit la « synthèse » du thème traité tandis que la couleur se contente de le décrire. C’est même pour cette raison qu’il voyageait toujours avec deux appareils sur lui.
Elliott Erwitt est par ailleurs un grand peintre de scènes de rue, dont il gomme parfois la violence avec une touche d’humour. Des fois non. L’intérêt de prendre des photos n’est-il pas « de ne pas avoir à expliquer les choses avec des mots » ? C’est aussi celui de faire rire ou pleurer, voire les deux à la fois. Susciter une réaction, un rire, ou a minima décrocher un sourire : c’est bien là qu’on reconnait un cliché signé Erwitt. « Dire qu’il y a de l’humanité dans mes photos est le plus grand compliment qu’on m’ai jamais adressé ». Et c’est précisément cette vision à la fois impertinente et humaniste qui rend son univers si profondément attachant.