Jusqu'à il y a quelque 150 ans le monde entier vivait sous le régime d'une domination exclusive des hommes, dont l'ampleur était sans commune mesure avec les reliquats de sexisme et de discrimination qu'on rencontre jusqu'à aujourd'hui dans nos sociétés.
Qu'est-ce qui explique ce régime de domination universel? la division sexuelle du travail:
Le très faible rendement du travail humain oblige nos ancêtres à exploiter au maximum les avantages comparatifs de chaque sexe, pour assurer la survie et réussir à élever les enfants, qui, chez les humains, restent exceptionnellement dépendants des adultes.
Les luttes féministes ne sont pour rien dans le changement qui s'est opéré il y a 150 ans:
Pour la première fois de l'histoire, les humains vivent, dans un nombre croissant de pays, dans un monde où les différences physiologiques entre les hommes et les femmes cessent d'avantager démesurément les premiers et de désavantager les secondes.
Qu'est-ce qui a changé et rendu la marche des femmes vers la liberté possible?
Certes le rôle des idées, avec les Lumières, n'est pas nul, mais ce sont surtout les bouleversements matériels qui ont transformé le mode de vie des humains. L'ère des énergies fossiles va permettre une généralisation des procédés technologiques sans précédent.
Le progrès technique, à l'origine de la révolution industrielle, et les productions d'énergies considérables, fossiles, hydrauliques, puis nucléaires, ont permis une explosion de la productivité. Car le rendement des machines est de loin supérieur au rendement du travail humain:
Dans le monde industriel et plus encore dans le monde postindustriel, la force physique, jadis indispensable pour assurer la survie face à la nature et à l'ennemi, perd toute importance - hors le sport et quelques professions manuelles.
L'émancipation des femmes résulte donc surtout du progrès technologique et de l'enrichissement de la société:
- le travail domestique et le temps qui lui est consacré ont été réduits,
- le progrès médical a diminué la mortalité infantile,
- la plupart des métiers sont devenus accessibles: le capitalisme ne rend pas seulement le travail des femmes possible, il le rend nécessaire,
- en outre, en France, les structures collectives de l'État-providence (qui auraient pu être assurées par le privé) ont été mises à leur disposition: sécurité sociale, crèches, écoles...
Sans cette amélioration de la condition des femmes, le discours idéologique qui l'accompagne, le féminisme, n'aurait tout simplement pas émergé...
Les acquis de la condition des femmes sont fragiles s'ils tiennent, comme le pense, à raison, l'auteure, aux conditions matérielles. Celles-ci pourraient, selon elle, à tort, être remises en cause par:
- la raréfaction de l'énergie et des autres ressources naturelles1,
- le changement climatique,
- l'altération de l'environnement.
En cela, la vision de Véra Nikolski est conforme à la doxa. En effet, pour appuyer ses dires, elle se base principalement sur ce qu'en disent le Club de Rome, le GIEC et autres collapsologues, qui n'ont rien à voir avec la science et tout avec... la politique.
Toutefois, à l'avenir, les conditions matérielles pourraient effectivement être remises en cause et, avec, les acquis de la condition des femmes, par:
- un nouvel accroissement du périmètre des États, synonyme de bureaucratie et de technocratie inefficaces et dispendieuses,
- des dépenses publiques considérables, inutiles et sans effet notable:
- pour développer les énergies dites renouvelables,
- pour diminuer les émissions de CO2, pour lesquelles il n'existe pas, comme elle le croit, de consensus scientifique sur leur responsabilité dans le réchauffement climatique, dont l'importance et les conséquences sont d'ailleurs surévaluées à des fins idéologiques...
Un appauvrissement généralisé par ces décisions étatistes, prises de connivence avec un capitalisme jouissant de privilèges indus, ne servira effectivement pas l'émancipation des femmes, bien au contraire.
Aussi l'auteure a-t-elle raison de dire que les femmes doivent se préparer à cette éventualité, rendue probable par l'aveuglement des décideurs politiques auxquels s'adresse, entre autres, le GIEC.
Dans une telle conjecture, l'un des conseils judicieux, qu'elle adresse aux femmes des générations qui la suivent, est non pas de se contenter de réclamer, mais de faire.
Que doivent-elles faire particulièrement?
Bien que, par nature, les femmes soient plus intéressées par les personnes et la communication et que les hommes le soient par les objets et leur systématisation, elles devraient s'intéresser davantage aux métiers scientifiques, techniques et militaires, parce qu'elles peuvent y exceller tout autant, voire mieux, que les hommes et que ce sera une nécessité pour elles si elles veulent conserver leurs acquis...
Pour sauver le Féminicène2, la lutte à mener consiste à comprendre les lois naturelles et historiques, et à travailler au maintien des conditions matérielles de l'émancipation.
Francis Richard
1 - Les énergies fossiles et les ressources naturelles sont très loin d'être épuisées et ne sont rien sans la créativité humaine.
2 - L'ère des femmes actuelle.
Féminicène, Véra Nikolski, 352 pages, Fayard