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Championne de l'Open d'Australie en début d'année pour son premier titre du Grand Chelem puis, propulsée numéro une mondiale en déboulonnant la patronne Iga Swiatek, Aryna Sabalenka a terminé 2023 tristement en échouant aux controversés Masters féminin de Cancun. Un échec qui lui coûte la première place mais, sans doute pas si surprenant si l'on regarde ses résultats en dents de scie cette année.
C'est sous la pluie tropicale, à l'ombre des palmiers secoués par les bourrasques de vent, lors d'un Masters WTA qu'on n'est pas prêt d'oublier, plus pour des raisons logistiques que sportives, que s'est terminée l'année 2023 de la désormais ex-numéro une mondiale Aryna Sabalenka. Une drôle d'année pour elle, c'est le moins qu'on puisse dire, entre périodes ensoleillées et violentes tempêtes. Une année qui avait pourtant débuté de la plus belles des manières, par une période d'invincibilité de treize matches, une tournée australienne prolifique, avec un titre à Adélaïde suivi d'une consécration à Melbourne avec une première distinction en Grand Chelem lors d'un Open d'Australie qu'elle domina de la tête et des épaules. Pourtant, le constat s'impose, tel un coup de massue asséné sur le crâne, et il n'est guère brillant : Sabalenka n'a gagné qu'une finale après son épopée australe, celle du tournoi de Madrid. À Indian Wells, Stuttgart et à l'US Open, la native de Minsk a chuté sur la dernière marche, et même l'avant-dernière à Roland-Garros et Wimbledon alors que les planètes semblaient alignées pour un Grand Chelem calendaire qui l'aurait fait entrer dans la légende de sa discipline.
Qu'a-t-il bien pu se passer pour que les courants s'inversent de façon aussi radicale ? Le mental n'a-t-il pas suivi les aspirations de la championne ? La pression a-t-elle été trop dure à supporter après le strass et les paillettes plein les yeux à Melbourne ? Les médias ont-ils eu une influence négative dans leur volonté d'entendre la joueuse s'exprimer sur des sujets géopolitiques dont elle ne semblait pas maîtriser tous les tenants et aboutissants ? Les raisons d'une telle déconfiture raisonnent sans doute dans chacune de ces questions. Pour faire simple, disons que du point de vue des observateurs que nous sommes, attentifs à l'actualité de ce sport qui nous passionne, le bilan que nous en tirons pourrait se résumer en une phrase : Aryna Sabalenka est une énigme.
Ses résultats sportifs après sa série de treize victoires consécutives en témoignent et, quand on y regarde de plus près, on arrive à une conclusion choquante qui peut résumer à elle seule la saison étrange de la biélorusse, à savoir, cette capacité surprenante à enchaîner performances et contre-performances sur un tournoi, voire d'un match à l'autre. Voici quelques exemples qui amènent à discuter. Après sa victoire à l'Open d'Australie, Sabalenka s'accorde un temps de récupération et fait son retour à la compétition mi-février à Dubaï. Elle commence par étriller l'américaine Lauren Davis 6-0 6-1, enregistrant ainsi un douzième succès de rang, prend le temps d'un set pour se régler contre Jelena Ostapenko, qu'elle bat 2-6 6-1 6-1, puis s'écroule contre Barbora Krejcikova en encaissant un 6-1 dans la troisième manche alors qu'elle avait remporté la première 6-0 ! Ces résultats pour le moins chaotiques vont alors se répéter tout au long de la saison dans une étrange similitude. À Indian Wells, elle colle un 6-4 6-0 à Coco Gauff, poursuit par un très convaincant 6-2 6-3 contre Maria Sakkari (qu'elle martyrisera bien plus tard aux Masters) mais, s'incline en finale deux sets à zéro face à Elena Rybakina qui en profite pour prendre une belle revanche après sa défaite en finale de l'Open d'Australie contre la biélorusse. Le scénario se répète à Miami. Trois premiers matches plus que convaincants, rapidement expédiés en deux petits sets, avant une défaite incompréhensible en quarts de finales contre Sorana Cirstea qui la domine deux manches à rien. À Stuttgart, elle fait imploser Krejcikova en huitièmes de finales (6-2 6-3), atomise Anastasia Potapova en demi-finales (6-1 6-2), avant de subir la courroux de la polonaise Iga Swiatek en finale (6-3 6-4 pour celle qui allait ensuite gagner Roland-Garros pour la deuxième année consécutive). À Paris justement, elle surclasse ses adversaires avec une relative tranquillité, sans perdre un set et malgré le contexte médiatique explosif que l'on connait, puis s'éteint à l'issue d'une demi-finale épique perdue contre la renaissante Karolina Muchova. Wimbledon est presque un copié-collé. Souvent étourdissante, 6-4 6-0 contre Ekaterina Alexandrova, 6-2 6-4 contre Madison Keys, elle est ensuite renversée par Ons Jabeur dans le dernier carré. Les déboires continuent à Cincinnati. Expéditive contre Daria Kasatkina (6-3 6-3), sérieuse et appliquée contre Jabeur (7-5 6-3), elle mord la poussière contre Muchova en se faisant disperser en petits confettis dans les deux derniers sets (défaite 6-7 6-3 6-2). Cependant, on atteint le paroxysme à l'US Open. Une première semaine en mode rouleau-compresseur avec aucun set perdu et peu de jeux égarés en cours de route, un succès vite expédié contre Qinwen Zheng en quarts de finales (6-1 6-4), une demi étrange au cours de laquelle Madison Keys lui inflige un humiliant 6-0 dans le premier set avant qu'elle ne renverse la situation, tout cela avant sa finale perdue contre Gauff. Le meilleur pour la fin, son ultime chef-d'œuvre, le Masters de Cancun. Sous la chaleur des tropiques, elle débute sa quête par une humiliation qu'elle fait subir à son souffre-douleur préféré, Maria Sakkari, qu'elle pulvérise 6-0 6-1. La grecque en larmes sur le court, on se dit alors que rien ni personne, pas même un cyclone en provenance du Pacifique, ne pourra stopper Sabalenka. Et pourtant, elle se fait donner la leçon juste après par Jessica Pegula qui la surprend en deux manches, obtient ensuite difficilement sa qualification pour le dernier carré en s'imposant deux manches à une contre Elena Rybakina, dans un match aux proportions bibliques en raison d'une météo exécrable, puis s'éteint de nouveau, comme une chandelle soufflée par le vent, étrillée 6-3 6-2 par une Swiatek impitoyable. La fin d'un règne éphémère.
Un règne que Sabalenka a sans doute les capacités de retrouver mais, à une condition, celle de devenir ce qu'elle n'a toujours pas réussi à toucher du doigt aujourd'hui : une joueuse régulière. Une joueuse qui serait la Sabalenka du début d'année mais, sur le long terme. Une joueuse plus patiente, plus en phase avec son esprit. Avec les nombreux points qu'elle aura à défendre dès le début de l'année prochaine, nous pourrons sans doute nous faire une idée plus précise sur son potentiel. En attendant, le mystère perdure...