En 1960, deux couples mythiques séjournent au Beverly Hills Hotel, à Los Angeles. Dans le bungalow 20 logent Simone Signoret et Yves Montand : ils s'aiment, ils sont beaux, encore jeunes, pleins de vie, au faîte de leur gloire. Mais Marilyn Monroe, installée dans le bungalow voisin, est une femme irrésistible dont le couple avec l'écrivain Arthur Miller bat de l'aile. Simone devient l'amie de Marilyn, Yves tourne avec elle en tentant de résister à sa séduction. Hélas, Arthur s'enfuit. La vie de quatre personnes va voler en éclat....Je connaissais la situation de départ. L’implosion du couple Montand-Signoret au contact de Marylin Monroe. Je savais que l’idée d’en faire une transposition théâtrale venait de Benjamin Castaldi, le petit-fils de Simone Signoret dont on sait tous qu’ils étaient très liés. Donc je me suis dit que tout cela était suffisant pour aller voir de près le résultat. Je n’ai pas du tout été déçue. Bien au contraire.
Une histoire ordinaire avec des êtres extraordinaires qui offre le portrait saisissant de deux femmes aussi célèbres que meurtries.
Tout est cohérent. Les interprétations masculines sont de justes évocations d’Arthur Miller (Vincent Winterhalter) et d’Yves Montand (Michaël Cohen) avec des postures et même des intonations proches de celles qu’on a en mémoire, renforcées par des silhouettes de corpulence semblables et quelques accessoires bien trouvés.
Côté femmes c’était plus délicat. Emmanuelle Seigner incarne immédiatement Marilyn Monroe alors que Mathilde Seigner n’est pas tout à fait la Simone Signoret dont on se souvient. Peut-être d’abord parce que nous l’avons surtout vue âgée alors que dans la pièce elle n’a pas encore 40 ans. A cet égard, quand on regarde les images du film Les sorcières de Salem dans lequel ont joué Montand et Signoret (dialogues de Jean-Paul Sartre) on est surpris par le visage candide de Simone, alors blonde comme elle l’était déjà dans Casque d’or.Je trouve aussi qu'il est très judicieux de n’avoir pas demandé à Mathilde de copier le visage de Marilyn comme le laisse supposer l'affiche. La ressemblance physique avec Emmanuelle (du fait de leur lien de parenté) fait l'affaire et, après tout, c’est le moins qu’on puisse demander au spectateur de faire un effort d’imagination. A un moment néanmoins un mapping jette le trouble entre les deux visages qui se superposent.
Je crois que j'ai tout aimé dans ce spectacle qui commence astucieusement avec le bruit de l'atterrissage d'un avion. J’ai apprécié les costumes qui nous propulsent dans le passé, le décor qui donne bien l’illusion que nous nous trouvons dans une de ces zones d’habitation américaines composées de bungalows. Le mobilier et les accessoires font revivre les années 50. On est surpris que le four à vapeur et à chaleur tournante était banal à cette époque aux USA. Dommage que Simone Signoret n’ait pas été une "bonne" ménagère. Personnellement, j'aurais été très excitée à l'idée de me lancer dans des cuissons combinées.
On partage la découverte du monde américain par le couple Montand-Signoret. On sait combien il a battu de l’aile. Ce spectacle nous met sous le nez le pourquoi du comment. Qui aurait pu résister au charme de Marilyn ? Montand n’était pas un saint et le fait que Simone (et Arthur) leur laissent le champ libre n’a fait que précipiter les choses, malgré la promesse que "rien ne pouvait les séparer".
Quelques répliques font mouche. Arthur Miller se plaint que L.A. (Los Angeles) soit trop tristement parfait. L'homme est désabusé. Il prétend avec humour (ou réalisme) qu'il essaie d'apprendre à perdre sa Marilyn. On verra que le cliché du couple idéal faisant rêver le monde entier sera bientôt pulvérisé.
Dans cette pièce, ce sont les hommes qui sont faibles. Montand ne vaut pas mieux, appelant sa femme au secours : on ne laisse pas un homme comme moi avec une femme comme elle. C'est la guerre Simone !
Les dialogues sont écrit avec vivacité. Qu'il est amusant d'entendre Marilyn expliquer comment elle se débarrasse des importuns en leur donnant comme numéro de téléphone celui de la morgue.
Il est bon de rappeler qu'après Claudette Colbert en 1934, Simone Signoret fut la seconde Française à recevoir l'Oscar de la meilleure actrice, le 4 avril 1960, pour son rôle dans "Les Chemins de la haute-ville".
Le recours à un écran quasi cinématographique est totalement justifié. L'affichage des manchettes de journaux d'époque relatant la trahison de Montand témoigne du cataclysme vécu par Simone, admirable de courage en reconnaissant qu'elle lui a pardonné pour que la vie continue. Peu m'importe que ce soit ses mots exacts ou ceux d'Eric-Emmanuel Schmitt dont le talent pour écrire pour le théâtre n'est pas nouveau.
La musique évoque Les feuilles mortes à plusieurs reprises et après les saluts, alors que Beverley Hills scintille sur le rideau de scène, c'est la voix de Montand qui interprète la chanson alors que la trompette retentit mélancoliquement. Bungalow 21 m'a emportée jusqu'au bout comme ce sera le cas pour ceux qui aiment le théâtre, le cinéma ou les deux.Bungalow 21, pièce écrite par Eric-Emmanuel Schmitt, sur une idée originale de Benjamin CastaldiMise en scène de Jérémie Lippmann assisté de Sarah GelléAvec Emmanuelle et Mathilde Seigner, Michaël Cohen, Vincent Winterhalter, Clément Moreau, Benjamin JaouenMusiques originales écrites et composées par David Parienti Décors : Emmanuelle Favre et Anais Favre
Lumières : Jacques Rouveyrollis et Jessica Duclos
Vidéaste : Caroline GrastilleurÀ partir du 14 septembre 2023
Au Théâtre de la Madeleine 19 rue de Surène 75008 Paris
Du mercredi au samedi à 21h, matinée le samedi à 16hSuite à des ajustements de planning les matinées du samedi à 16h seront reportées au dimanche à 15h, à partir du 18 novembre inclus.Samedi 18 novembre à 16h : report au dimanche 19 novembre à 15hSamedi 25 novembre à 16h : report au dimanche 26 novembre à 15h
Samedi 2 décembre à 16h : report au dimanche 3 décembre à 15h