Vendredi, 20h55. La salle est pleine à craquer, le moindre strapontin ou vide laissé entre deux groupes est scruté par les derniers arrivants. On entre dans la salle du Petit Saint Martin avec l’idée qu’on a peu besoin de convaincre, la cause est déjà acquise, d’autant que c’est l’avant-dernière parisienne. Les critiques, l’encensement ont eu raison de ma curiosité, j’y suis allée.
Acclamée par les critiques depuis sa première à Avignon, Guerre s’affichait dans beaucoup de rues et de boulevard avec un visage qui en ressortait : Benjamin Voisin.
Avant de devenir le « meilleur espoir masculin » du cinéma césarisé en 2020 pour Les Illusions Perdues, il était surtout étudiant en théâtre, comme metteur en scène. Incarner Ferdinand représente un retour en piste…
Un retour pas forcément des plus faciles, que ce soit pour le fond, prendre à bras le corps le langage de Céline. Comme la forme, car le seul-en-scène, genre qui fleurit et se renouvelle depuis quelques années, demeure un exercice à double tranchant : « extraordinaire » quand rythmé ; Mais une « guerre pour aller chercher le tempo, parce qu’on n'a pas le partenaire pour le retrouver » pour reprendre l’acteur.
Quand la scénographie se met en place, le rouge écarlate des bombardements approche du fond, l’ambiance apocalyptique s’abat sur nous. Le brigadier Ferdinand, 20 ans, est grièvement blessé, au beau milieu d’un champ de bataille dans les Flandres, une nuit de 1915.
Il est hospitalisé dans le coma. Puis vient le temps de la convalescence avec toutes ces rencontres : Cascade un autre poilu blessé au sourire fabriqué, la belle Destiné…
C’est bien une des premières fois où je sors avec une vraie dissociation entre le texte et l’interprétation. Déjà l’étude de Céline ne m’a jamais enthousiasmé (loin le mot qui ressort des écrits de l’auteur) mais j’en suis sortie définitivement hermétique, les mots rebutent non pas pour la violence mais pour le choix des mots.
On ressent une légère solitude à la sortie quand tout le monde encense le texte, beaucoup se sont procurés la pièce dès leur sortie de la salle alors que toi tu sors avec une mine un peu déconfite, un fond de dégoût…
Et pourtant la seule raison qui m’a poussé à y aller, il faut le reconnaître, c’est bien le jeu fantastique d’un Benjamin Voisin assommé par la folie et l’horreur de la guerre. Un pari largement réussi puisqu’on a l’impression qu’il vomit autant les mots que l’auteur quand ils les écrivaient.
Au final, c’est sûrement mon rebus pour l’auteur qui me fait dire « mouais »…
Crédits photo : Clément Puig
Guerre
Texte : Louis-Ferdinand Céline / Mise en scène : Benoît Lavigne
Théâtre du Petit Saint-Martin (Paris 10e)
La pièce se jouait du 12 septembre au 21 octobre 2023
Jade SAUVANET