Près d’un mois après l’assassinat du journaliste camerounais Martinez Zogo, de nouvelles révélations apparaissent sur le déroulement de l’enquête et le rôle trouble de certains acteurs. Si le lieutenant-colonel Justin Danwe est présenté comme le cerveau de l’opération, les motivations exactes du crime restent nébuleuses.
Les versions changeantes de Danwe
Le 17 janvier 2023, Martinez Zogo était enlevé devant la radio privée Amplitude FM à Yaoundé où il animait une émission. Durant deux jours, le directeur général du site d’informations AfrikMag est torturé, avant d’être assassiné dans la nuit du 18 au 19 janvier. Très vite, les soupçons se portent sur Justin Danwe, officier de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE), les services de renseignement camerounais.
Arrêté quelques jours après le meurtre, Danwe livre aux enquêteurs plusieurs versions contradictoires. Dans un premier temps, il accuse l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga d’avoir commandité le crime, en échange d’une avance sur salaire auprès du Ministère des Finances. « J’avais besoin qu’il intercède auprès du ministre des Finances pour me faire une avance de solde« , aurait-il déclaré.
Les dénégations d’Amougou Belinga
Mais par la suite, face à la commission d’enquête mixte, Danwe est revenu sur ses déclarations, niant tout lien avec le patron de médias. Il a alors mis en cause son supérieur à la DGRE, Léopold Maxime Eko Eko, indiquant avoir voulu « faire plaisir à son patron« qui lui reprochait les publications de Martinez Zogo.
De son côté, Jean-Pierre Amougou Belinga reconnaît avoir rencontré Justin Danwe à plusieurs reprises et avoir échangé avec lui sur des sujets confidentiels liés à ses affaires. Mais il rejette fermement l’idée d’avoir commandité l’assassinat du journaliste.
Le rôle trouble d’Eko Eko
Quant à Eko Eko, il admet que Martinez Zogo avait tenu des propos le visant, lui et son épouse, mais estime qu’il n’avait aucun intérêt à s’en prendre au journaliste six ans plus tard. Il dément avoir été informé de l’opération montée par Danwe.
Les motivations exactes du meurtre restent donc nébuleuses. S’agissait-il d’une vengeance personnelle de Danwe ? D’un règlement de comptes lié à des intérêts politiques ou économiques ? Les contradictions du lieutenant-colonel jettent un doute sur ses déclarations.
Des zones d’ombre persistante
Dans leur rapport, les enquêteurs exonèrent Eko Eko de toute responsabilité, mais désignent Danwe comme le « planificateur » du crime. Ils relèvent cependant que la piste d’un éventuel second commando n’a pas été explorée.
De nombreuses zones d’ombre persistent donc sur ce dossier sensible. La société civile camerounaise réclame la poursuite des investigations et un procès public pour faire toute la lumière sur l’assassinat du journaliste d’investigation.
Le meurtre brutal de Martinez Zogo a provoqué une profonde indignation au Cameroun et à l’international. Il pose la question de la protection des journalistes et du respect de la liberté de la presse dans le pays. Certains craignent que ce crime ne reste impuni et n’entraîne une autocensure accrue des médias.
La résolution de ce dossier sera un test majeur pour la justice camerounaise, dans un contexte où les dérives autoritaires du régime sont pointées du doigt. L’enjeu est aussi de garantir qu’à l’avenir, les journalistes puissent exercer leur mission d’information sans crainte d’être persécutés pour leurs écrits.