Quatrième de couverture :
Michiru a perdu l’usage de la vue dans un accident et vit recluse dans une grande maison, comme dans un œuf de ténèbres. Un jour, elle apprend qu’un meurtre vient d’être commis à la gare toute proche. Peu de temps après, la jeune fille sent une présence dans la maison et comprend qu’un intrus s’est introduit chez elle. Progressivement, dans l’obscurité et le silence, se noue une étrange relation entre celui qui se cache et celle qui ne voit pas. (…)
Dans ma découverte des éditions Picquier, j’ai voulu lire aussi du polar ou plutôt, dans ce cas, du roman noir. Rendez-vous dans le noir est plutôt un roman psychologique à partir d’un meurtre commis dans une gare non loin de la maison de Michiru, aveugle suite à un accident. La jeune femme ne sort quasiment pas de chez elle, elle a trop peur de l’extérieur pour apprendre vraiment à se débrouiller avec une canne blanche, elle ne sort qu’accompagnée de son amie Kazue, pour faire des courses ou aller manger au restaurant. Chez elle, par contre, elle se sent tout à fait à l’aise et passe beaucoup de temps repliée sur elle-même, dans un noir multiple : sa cécité, l’obscurité de la maison, le trou noir dans lequel elle s’enfonce à son insu, croyant être très heureuse dans sa solitude.
Un jour, quelqu’un s’introduit dans sa maison à son insu. Akihiro est en fuite suite au meurtre d’un homme poussé sous les roues d’un train. Le jeune homme est mal dans sa peau depuis l’enfance, incapable de nouer des relations à l’école puis au travail. Dans l’imprimerie où il était employé, il faisait bien son travail mais était trop solitaire pour être bien vu de ses collègues. Il ne supporte plus l’arrogance de l’un d’eux, celui qu’il voit tous les jours sur le quai de la gare, celui qui sera poussé sous un train. Dans la panique, Akihiro a fui la gare, il est recherché par la police et trouve refuge chez Michiru. Celle-ci se rendra assez vite compte de la présence d’un intrus dans la maison. Une étrange relation se noue entre eux, faite de silence, de surveillance intime, d’aide muette de la part du jeune homme.
Le roman alterne les points de vue des deux protagonistes et l’on mesure la part de solitude, de repli sur soi de chacun d’eux. Le roman avance lentement mais ce noir et cette lenteur ne sont pas ennuyeux, au contraire. Pourquoi Akihiro a-t-il justement choisi la maison de Michiru ? A-t-il vraiment poussé son collègue Matsunaga sous le train ? Les fils qui relient les personnages, principaux et secondaires, du roman vont petit à petit se nouer et livrer la clé de l’énigme.
Décidément cette découverte des éditions Picquier me plaît beaucoup et elle se prolongera sûrement au-delà de 2023.
« Elle, elle avait la maison et les ténèbres qui l’emplissaient. C’était son monde à elle, compact, dépouillé de toute autre chose. La maison était une coquille d’oeuf, l’obscurité le blanc et elle le jaune. Elle éprouvait à la fois tristesse et douceur. C’était comme si on l’avait ensevelie, emmitoufflée dans un linge doux. »
« Cela faisait quelques jours qu’ils cohabitaient, simplement assis en silence, les genoux ramassés contre la poitrine, devant le poêle qui réchauffait la pièce. Le train passait le long de la maison. Ce bruit, seul, venait souligner le passage du temps.
La police à ses trousses, il était solitaire. Sans proches ni amis, elle était solitaire. La jeune femme avait l’impression qu’ils se trouvaient tous deux sur un radeau à la dérive sur une mer infinie. »
« Jusqu’alors, l’intérieur de la maison avait été un espace où clos flottant dans l’univers, semblable à un oeuf de ténèbres. Sa tiédeur avait préservé Michiru du froid, la laissant reposer dans un monde rassurant.
L’oeuf ne flottait plus dans l’air, elle avait le sentiment qu’il s’était posé. Dans son obscurité, elle avait moins l’impression de se trouver aux confins de l’univers. La présence d’un tiers l’ancrait à terre. »
OTSUICHI, Rendez-vous dans le noir, traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, Picquier poche, 2014
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