Que le remplacement des billets et pièces physiques soient un objectif ou non, un des plus importants défis des monnaies digitales de banque centrale (MDBC) est bien d'offrir la même faculté de payer quand aucun accès aux comptes électroniques n'est disponible. Dans le cas de l'université Southern Cross, qui accueillait le test, la question s'est révélée particulièrement sérieuse à l'occasion d'un grave épisode d'inondations en 2022.
Alors que son campus de Lismore constituait le premier centre d'évacuation et d'hébergement d'urgence de sa communauté pendant l'événement, les distributeurs automatiques installés sur place subissaient une panne qui s'est prolongée pendant plusieurs semaines. Un automate pré-rempli d'espèces a alors dû être dépêché spécialement sur les lieux dans le but de couvrir les besoins essentiels de la population.
Fort de cette expérience, l'établissement s'est investi dans le projet pour vérifier si l'e-dollar envisagé aurait apporté une réponse satisfaisante dans un tel scénario. Dans cette perspective, une dizaine d'étudiants se sont vus remettre une carte dédiée, préalablement chargée d'une somme donnée, et, en parallèle, quelques commerces de proximité ont été équipés d'une application mobile gérant l'encaissement.
Tous les participants se déclarent enchantés… Le recours à une carte avec une puce NFC, comme celles que nous avons tous dans nos portefeuilles, autorise un fonctionnement simple et intuitif, y compris pour le marchand utilisant son smartphone (Android). Tous sont enthousiastes à l'idée d'une fiabilité (presque) totale. En revanche, quand l'un d'eux évoque la gratuité des transactions, il s'écarte du cœur du sujet.
Il faut pourtant aborder les lourdes limitations du concept, entièrement oubliées dans la communication officielle. En premier lieu, je m'interroge sur les conditions réelles d'une catastrophe naturelle : les coupures d'alimentation électrique sont fréquentes dans ce genre de circonstances (y compris dans celle vécue par l'université) et, même si des moyens de secours sont certainement susceptibles d'être déployés, elles risquent de perturber le système, opérant par l'intermédiaire d'un téléphone mobile… chargé.
Plus ennuyeux, le principe tel qu'il est décrit (très succinctement) suppose que les citoyens disposent de la carte et ait transféré dessus le montant qui serait nécessaire dans l'hypothèse d'un événement majeur, avant que celui-ci ne survienne. Dans la mesure où la MDBC ne vise pas à remplacer les comptes bancaires classiques, c'est une réserve de contingence qu'il faudrait donc que chacun consigne… et, de toute évidence, ce n'est pas une option viable pour les personnes financièrement fragiles.
Autant ces petits compromis sont acceptables quand on considère seulement la monnaie digitale comme un outil complémentaire aux différents instruments existants, autant ils deviennent vraiment problématiques si l'ambition est d'en faire une solution universelle aux défis du paiement dans les situations d'urgence. En l'occurrence, la démonstration australienne, précisément orientée dans cette direction, tombe un peu à plat…