La France n'a certes jamais été pionnière dans l'histoire de la rock ni de la pop. Elle a pu au moins se targuer d'être d'être dans le coup dans les musiques expérimentale et électronique et pour ce qui est du pur binaire jouissif, n'avait pas grand chose à envier dès les années immédiates d'après punk. Il y eut d'abord cet axe normand représenté fièrement qui au Havre (Little Bob Story, Fixed Up) qui à Rouen (Dogs forcément).Aux premiers les Roadrunners empruntèrent leur high energy, aux second l'inégalable élégance et un délicieux accent frenchy qui ne cherchait pas à être occulté. Le deuxième album des hommes de François Pandolfi plus connu alors sous le sobriquet de Frandol ne s'intitulait-il pas avec auto-dérision A Frog In My Throat ?
On évoque la scène normande mais encore conviendrait-il de ne pas passer sous silence la bordelaise brillamment emmenée par les aminches de Kid Pharaon & The Lonely Ones dont le graphisme des pochettes s'apparentait éventuellement à celles des Roadrunners - le jaune et noir de Love Bikes du Kid offrant de troublantes similitudes avec A Frog...(encore). Et puis tous ces "groupes en ST-" souvent les mêmes car venant de Gironde (Standards, Stilletos, Stunners...ces derniers établis à Clermont-Ferrand. Sans parler des iconoclastes et inclassables Wampas Thugs,....Les Roadrunners donc. La classe et l'élégances incarnées, des vestes jusqu'aux boots. Et qui prouvèrent assez vite que pouvaient être écrits des albums pop enchanteurs ne dépassant pas la durée de 35' de rigueur telle que l'avait érigée les Beatles sur leurs premiers grands albums.
Les Beatles tiens. Que le grand Cric nous croque si la version proposée ici de "Hey bulldog" (unique reprise de l'album) ne surpasse pas en intensité et en nerfs et ce bien que rejouée note pour note et à l'identique, l'original des Fab Four. Mais les motifs de s'enthousiasmer sont légion dans ce 3ème long format du quintette. A nouveau produit comme le précédent Bizarre Rendezvous par Jeff Eyrich, qui intervient aussi sur l'écriture de l'infernal "Saturation point" ainsi que sur "Don't look down" et sa troublante coda - le renvoi bastringue de "Count me out"- Instant Trouble a une production qui claque. Il faut dire que l'homme des studios américains connaît son bréviaire pop US sur le bout des doigts, ayant par le passé produit des oeuvres des Plimsouls, Blasters ou Gun Club pour ne citer que ceux-là.C'est sans doute aussi ce qui concourt à la brillance du son : ici, les "I'm watchin' you", "Saturation pointe, "Eye of the cyclone" et autres "Count me out" brillent de mille feux ; les guitares sont étincelantes. Et Francois Pandolfi dans un troublant mimétisme vocal avec son compère susnommé Kid Pharaon, offre également de réjouissants power chords. Son garage pop à la française mais très ouvragé est tout aussi crédible et poignant dans les ballades, témoin la superbe "Lucky find"et ses relents folk celtique du plus bel effet.
Comme pour beaucoup de disques sorties au début des années 90, il aura fallu trois décennies pour qu'enfin un premier pressage vinyle impeccablement remasterisé par le grand Dominique Blanc-Francart voie le jour. Souhaitons le même traitement pour l'autre référence polysémique du groupe à savoir son testament Sales Figures. Aux dernières nouvelles, ce devrait être le cas.Beep beep.
En bref : All killer no filler. Telle pourrait être la devise des Roadrunners notamment sur cet excellent 3ème album pour la première fois édité en vinyle. Une certaine idée d'une pop énervée et raffinée à la française.