Il est des endroits où il fait bon revenir. Le restaurant gastronomique de l’Hostellerie de Levernois en est un. Au-delà des années et au-delà des modes, il règne en ce lieu une constance dans l’accueil, dans le service et dans les prestations liées à la table.
Nous retrouvons cette année des « têtes familières », gardiens d’une certaine tradition, et de nouvelles silhouettes, preuve que la tradition et le changement peuvent cohabiter en bonne intelligence.
Après un apéritif constitué d’un Champagne Delamotte construit sur une minéralité acide vive, une tendre amertume légèrement briochée, une assise calcaire en bouche et une sorte de mâche sur un registre frais. Ce champagne toujours excellent était accompagné de quelques amuse-bouche de grande qualité. Le ton est donné, la suite ne sera que confirmation et révélation.
Nous partons sur le menu « Dégustation » pour lequel nous avons laissé carte blanche à Philippe Meurger, sommelier-chef de l’Hostellerie, pour un voyage bourguignon (liquide), le tout servi à l’aveugle.
Amuse-bouche végétal : frais et coulant. Belle mise en appétit
Palet de pommes de terre, caviar Osciètre, cœur coulant, condiments, mimosa, sauce fumée : nouveauté tant dans les associations de saveurs que de textures. Grand plat jouant sur de superbes contre points
Blanc de bar de ligne aux algues dulse, fenouil confit aux agrumes et coquillages, sauce marbrée : une cuisson millimétrée du poisson, un fenouil confit très aromatique mais respectant la délicatesse du bar, une sauce succulente
Encornet et homard bleu, spaghetti à l’encre de seiche, sauce au Chablis Remplacé pour ma part par une Noix de St Jacques, légumes croquant et sauce crémée : le croustillant et la tendresse. Cuisson « saisie » en surface, du velours à l’intérieur. Superbe encore
Suprême de pigeonneau de Patrice Sanchez au foie gras, cuisses en chartreuse de chou vert, sauve velours : richesse, élégante, finesse. Tout est dans ce plat
Plateau de fromages
En attendant le dessert, … un sorbet tout en fraîcheur
Crémeux au chocolat noir grand cru Alpaco et champignon biscuit noisettes, crème glacée : un dessert léger pour finir ce repas
Pour accompagner ce repas, quelques vins servis à l’aveugle par Philippe, « notre » sommelier qui nous concocte toujours de beaux défis ! Va-t-on retrouver (au moins) les appellations ?
Vin n°1
Un nez fin, élégant, minéral avec une pointe miellée. Bouche montrant une belle vivacité, légèrement gras, laissant transparaître une structure presque cristalline. Minéralité saline et opulence intégrée. Empreinte sur la fraîcheur, la droiture et une sorte d’allonge avec le palet de pomme de terre, laissant resurgir des amers superlatifs. Avec le bar, l’ensemble se fond, devient réglissé et miellé. Excellent ++
Verdict : je pars d’abord sur un côte chalonnaise, puis un Chablis. Philippe m’indiquant un « grand classique de Chablis », j’ose une Montée de Tonnerre sans plus de précision. Il s’agit d’un Chablis, premier cru Montée de Tonnerre 2019, domaine Raveneau
Vin n°2
Un nez de chardonnay présentant une réduction fine mais présente, une grillure salivante. Structure sur l’élégance, sans opulence. Bouche toutefois charnue et fraîche, un joli grain dessinant une belle mâche. Finale complexe, ronde et vive, enveloppante et fraîche, pointe glycérinée. A l’aération, une sorte de floralité se développe. Excellent
Verdict : C’est un bourgogne classique mais sans précision supplémentaire pour moi. Il s’agit d’un domaine déjà dégusté (bu) et apprécié, par son boisé élégant : us précis. Chassagne-Montrachet, premier cru Morgeot 2018, domaine Bernard Moreau
Vin n°3
Un nez sur le fruit incontestablement, une légère retenue à l’ouverture. Fragrances aromatiques (cannelle ?), une pointe granuleuse (tannins ?) et une sensation de charme et de suavité. Bouche accomplie, présentant une belle nervosité, associant rondeur et allonge. Notes épicées fines. Un pinot assez corpulent avec une belle acidité de structure. Très belle association avec la chair tendre et délicate du pigeon. Excellent +
Verdict :un côte de Nuits sans autre précision. Il s’agit d’un Gevrey-Chambertin, premier cru Lavaux St Jacques 2017, domaine Harmand-Geoffroy
Vin n°4 (avec le dessert)
Vin de Chypre, Commandaria Saint Barnabas : une solera dont le nez oscille entre Xeres et Madère, sur les pruneaux, des fruits noirs bien murs, une pointe rancio évoquant les plus beaux Tawnys. Bouche superbe, racio, sur l’amertume, une charge tannique imposante et délicate (tannins civilisés). Avec le chocolat, des amers fins nobles se développent. Excellent +(+)
Encore une soirée mémorable, sans aucune fausse note. L’impression d’être « à la maison », avec la distance qui s’impose, la proximité qui réconforte. Un immeuble merci à l’ensemble des équipes, en cuisine et en salle, pour cet instant de magie orchestré par Bernard Bruyer en salle et Philippe Meurger en cave. Philippe Augé nous a une nouvelle fois régalé.
RDV l’année prochaine !
Bruno