Au Cameroun, une quarantaine de personnes enlevées près de la frontière tchadienne

Publié le 24 octobre 2023 par Tonton @supprimez

Dimanche 22 octobre, un groupe d’hommes armés a tendu une embuscade à un convoi près de la localité de Touboro, dans le Nord du Cameroun. Au moins 40 personnes, des commerçants tchadiens pour la plupart, ont été enlevées avant d’être emmenées par les ravisseurs. Si une partie des otages a pu être libérée grâce à l’intervention des forces de sécurité tchadiennes, d’autres seraient toujours retenus en otage, peut-être déjà emmenés de l’autre côté de la frontière.

Commerçants tchadiens pris pour cible après le marché dominical

Selon les informations fournies par Célestin Yandal, le maire de Touboro, c’est au retour du marché dominical aux bestiaux que le convoi de commerçants a été attaqué. « Les Tchadiens viennent avec du bétail qu’ils vendent et repartent, comme c’est juste à 25 km du Tchad. Donc, sur le chemin retour à 17 heures, ils sont tombés dans une embuscade dans une petite réserve dans le village appelé Mba Lainde », a-t-il expliqué.

Outre ces éleveurs tchadiens qui faisaient le trajet régulièrement pour vendre leur bétail à Touboro, d’autres voyageurs se rendant du Tchad vers le Cameroun ou inversement ont également été kidnappés, portant le nombre total de personnes enlevées à une quarantaine selon les autorités.

Des étudiants tchadiens parmi les otages

Dans un communiqué publié lundi, le ministère tchadien de la Sécurité publique a précisé que plusieurs étudiants tchadiens figuraient parmi les captifs. En effet, de nombreux ressortissants tchadiens traversent régulièrement la frontière pour venir étudier à l’université de Ngaoundéré, située dans la région camerounaise de l’Adamaoua voisine.

L’itinéraire passant par Touboro est fréquemment emprunté par ces étudiants circulant entre les deux pays. Le rapt de plusieurs d’entre eux a provoqué l’émoi au Tchad, dont le gouvernement suit cette affaire de très près.

Opérations de sauvetage en cours des deux côtés de la frontière

Dès l’annonce de cet enlèvement massif, les autorités tchadiennes et camerounaises ont rapidement coordonné leurs efforts pour retrouver et secourir les otages.

« Le bilan provisoire de ce degré de mobilisation a permis aux forces de l’ordre tchadiens de libérer huit otages qui sont en ce moment même en sécurité », a indiqué le ministère tchadien de la Sécurité publique, sans préciser où exactement ces personnes ont été libérées.

De leur côté, les forces de défense camerounaises ont également été déployées pour ratisser la zone de Touboro et ses environs. Les opérations seraient toujours en cours pour tenter de retrouver les ravisseurs et libérer les otages potentiellement emmenés de l’autre côté de la frontière, au Tchad ou au Nigeria.

Inquiétudes grandissantes sur l’insécurité transfrontalière

Cet enlèvement massif a relancé les inquiétudes quant à l’insécurité grandissante dans cette zone transfrontalière entre le Cameroun, le Nigeria et le Tchad. La porosité des 1100 km de frontière que partagent ces pays facilite les incursions de groupes armés et l’activité de réseaux criminels organisés.

Régulièrement, des coupeurs de route tendent des embuscades pour dépouiller les voyageurs circulant sur ces routes isolées. Les commerçants transportant leur bétail sont des proies de choix pour ces bandits, qui n’hésitent pas à enlever leurs victimes avant de demander des rançons.

Le spectre de Boko Haram plane toujours

Si ces « simples » bandits crapuleux sont les premiers suspects, le spectre de Boko Haram n’est jamais loin dans cette zone. Le groupe islamiste a tristement défrayé la chronique par ses enlèvements massifs dans le Nord du Cameroun entre 2014 et 2017. Kidnappant plus d’un millier de personnes durant cette période, Boko Haram finançait ses activités terroristes grâce aux énormes rançons obtenues.

Même si l’organisation semble affaiblie, la menace d’un retour offensif plane toujours. D’autant que malgré d’importants efforts sécuritaires, la porosité des frontières demeure propice à la résurgence de ce genre d’activités lucratives pour des groupes lourdement armés.

Coopération renforcée entre le Cameroun et le Tchad

Face à ces défis sécuritaires transfrontaliers, le Cameroun et le Tchad ont récemment décidé de renforcer leur coopération. En témoigne la coordination rapide entre les forces des deux pays après l’enlèvement de Touboro.

« Actuellement, les Gouverneurs des deux Provinces et les autorités en charge de la Sécurité sont mobilisés en étroite collaboration avec les autorités camerounaises pour mettre la main sur ces braqueurs qui perturbent la quiétude de nos citoyens au niveau des frontières », a déclaré le ministère tchadien de la Sécurité publique.

Une coopération accrue, à la fois en matière de renseignement, de patrouilles mixtes et de poursuite judiciaire des criminels arrêtés, semble indispensable pour endiguer ce phénomène d’insécurité frontalière.

La lutte contre les enlèvements dans cette zone stratégique doit devenir une priorité commune pour Yaoundé et N’Djamena. Et pouvoir compter sur l’appui de l’armée nigériane serait un atout supplémentaire dans ce combat pour la sécurité des biens et des personnes.

Touboro, un carrefour commercial hautement stratégique

Au-delà de cette affaire, la localité de Touboro symbole les enjeux cruciaux de sécurisation de certains points névralgiques aux frontières. Située à un carrefour entre trois pays, la commune abrite un important marché à bétail drainant commerçants et troupeaux du Cameroun, du Tchad et du Nigeria.

Point de passage obligé pour les éleveurs comme pour les transporteurs de diverses marchandises, Touboro représente une zone hautement stratégique sur le plan économique. Sa sécurisation est donc vitale pour garantir la libre circulation des biens et des personnes, indispensables aux échanges commerciaux transfrontaliers.

Lutte contre le banditisme : un défi permanent au Cameroun

Au-delà du cas spécifique de Touboro, ces enlèvements viennent rappeler la lutte de chaque instant que mène le Cameroun contre le banditisme sous toutes ses formes. Dans les années 1990 et 2000, le phénomène des « zaraguinas » (coupeurs de route en langue peul) avait fragilisé le Nord du pays, avant d’être jugulé.

Aujourd’hui, malgré les efforts constants des autorités, des poches d’insécurité demeurent, exploités par des malfrats opportunistes comme par des groupes armés organisés. La partie n’est jamais définitivement gagnée dans ce combat asymétrique, nécessitant un effort soutenu dans la durée, en hommes, en logistique et en coordination avec les pays voisins.

Seule cette vigilance permanente, ajoutée à un maillage serré du territoire par les forces de défense et de sécurité, permettra de garantir la sécurité de toutes les populations camerounaises, ainsi que des milliers de ressortissants tchadiens et nigérians circulant quotidiennement au Cameroun.

Par Jean-Marie Ngaleu, 237online.com