Arrivée avec une étiquette de grandissime favorite aux Masters Juniors disputés à Chengdu, la pépite russe de seize ans Alina Korneeva repart comblée avec le titre en poche et la promesse d'un avenir qui s'annonce radieux, dans les pas de sa compatriote et amie Mirra Andreeva.
Une russe peut en cacher une autre. Pendant que Mirra Andreeva poursuit, à seize ans, sa remarquable ascension sur le circuit WTA, sa meilleure amie, Alina Korneeva, continue de dominer outrageusement le circuit Junior, à tel point que l'on est en droit de se demander ce qu'elle y fait encore tellement elle est au-dessus du lot. Pourtant, tout n'a pas été aussi simple pour elle sur les courts en dur du Sichuan International Tennis Center à Chengdu, sans doute en raison de l'incontestable statut de favorite qu'elle devait porter sur les épaules. Plusieurs fois bousculée, en héritant du groupe le plus relevé des phases de poules, l'adolescente a su trouver les ressources nécessaires pour se hisser jusqu'en finale, s'y imposant avec l'impitoyable autorité qu'on lui connait.
Ses plans de conquête auraient pourtant pu très bien tomber à l'eau. Dans un dernier match de poule qu'elle n'aurait jamais dû perdre face à l'opiniâtre japonaise Sara Saito, alors qu'elle avait empoché le premier set sur le score sans appel de 6-0, Korneeva avait montré des signes inquiétants qui laissaient présager du pire pour la suite. Trop impatiente dans l'échange, irrégulière au service, incapable de convertir ses balles de break et enfermée dans un schéma qui consistait à jouer tout en puissance en prenant trop de risques, la russe a fini par se faire piéger par une Saito qui n'en demandait pas tant. Les conséquences de cette défaite furent fâcheuses puisque la numéro deux mondiale au classement Junior se retrouvera face à l'une de ses grandes rivales, l'américaine Clervie Ngounoue, en demi-finales.
Qu'à cela ne tienne, la jeune russe s'est complètement remise à l'endroit après sa déconvenue contre Sara Saito. Redevenue plus appliquée, plus performante au service et désireuse de retrouver la régularité qui lui avait manquée lors de son précédent match, la lauréate de l'Open d'Australie et de Roland-Garros Juniors s'est recentrée sur son objectif en dominant l'américaine. Ses retrouvailles contre Saito en finale n'en étaient que plus intéressantes. Deux scénarios se profilaient à l'horizon : soit la japonaise faisait déjouer son adversaire en essayant de capitaliser sur les erreurs de celle-ci, soit Korneeva appliquait le même plan que face à Ngounoue. C'est le deuxième scénario qui a prévalu. Performante au service avec six aces dont un claqué à 184 km/h sur l'avant-dernière séquence du match, d'une régularité métronomique dans les échanges et plus en réussite sur les balles de break (sept converties sur neuf, six sauvées sur sept), Korneeva a mis tout son talent à profit pour aller chercher une victoire qui ne pouvait lui échapper. Sans trembler, elle pliait l'affaire en une heure et vingt minutes, 6-0 6-3.
La victoire d'Alina Korneeva dans cette épreuve était de toute façon une évidence tant les étoiles semblaient parfaitement alignées pour elle. Ses résultats en 2023 sont là pour le prouver. En plus des ses deux succès d'envergure à Melbourne et Porte d'Auteuil, elle est allée jusqu'en demi-finales à Wimbledon Junior, mais surtout, a particulièrement brillé sur le circuit ITF Pro en gagnant un tournoi de 100 000 dollars de dotation au Portugal (alors qu'elle sortait des qualifications) avant d'accomplir une performance de toute première qualité en atteignant les huitièmes de finales au tournoi de Hong Kong (là aussi en passant par les qualifs) pour ses débuts en WTA. En capitalisant sur sa victoire aux Masters Juniors, Alina Korneeva va maintenant pouvoir pleinement se focaliser sur la délicate transition du circuit des jeunes à celui des professionnels. Avec les succès qu'elle a déjà obtenus, ce changement de cap pourrait s'opérer dès l'année prochaine alors qu'elle n'a pas encore dix-sept ans.