Luca di Fulvio n’est plus. L’auteur est malheureusement décédé à l’âge de 66 ans le 31 mai 2023 à Rome, des suites de la maladie de Charcot. Pour ceux qui, comme moi, le suivaient sur les réseaux sociaux et souffraient de le voir tellement affaibli lors de ses dernières vidéos, c’est un véritable plaisir de pouvoir se jeter sur cet ultime roman, de retrouver la prose de ce narrateur hors pair qui avait tant de mal à articuler lors de ses derniers messages…
J’invite donc tout le monde à découvrir ses merveilleux romans, de « Mamma Roma » à mon préféré de tous : « Le Gang des rêves », en passant par « Le Soleil des rebelles » ou « Les enfants de Venise ». Mais vous pouvez également commencer par celui-ci, qui invite à suivre la destinée de deux enfants dans l’Italie du XVIIe siècle, au temps de la chasse aux sorcières.
Le premier est un petit garçon de cinq ans prénommé Daniele, dont la maman décède le 3 novembre 1610. Le même jour, Berna, la putain du Ponte dell’Orso, est retrouvée gelée, enceinte et inconsciente sous un tas d’immondices près du mur d’enceinte d’un monastère. Morte en couches, elle donnera néanmoins naissance au second personnage principal de cette saga, la petite Susanna, que l’on retrouve vingt ans plus tard, en 1633, jugée pour sorcellerie et soupçonnée d’avoir tué son époux et leur servante…
« Le paradis caché » alterne plusieurs temporalités, invitant d’une part à suivre l’évolution de Daniele et de Susanna, qui sont tous les deux confiés au frère Thevet, le prieur du couvent, mais dont les chemins se séparent progressivement au fil des pages. D’autre part, le lecteur est invité à suivre le procès couru d’avance de Susanna, mené par l’infâme Constantin Tron, l’Inquisiteur, assisté par son impitoyable secrétaire, Paolo Tahler. À l’instar de « La Sorcière de Limbricht » de Susan Smit, « Le paradis caché » invite en effet à suivre un procès totalement inéquitable, dévoilant tous les moyens que l’Inquisition mettait à disposition afin de ne donner aucune chance à ces femmes fortes, féministes avant l’heure, que la société cherchait à éliminer.
Pour son dernier roman, Luca di Fulvio nous offre une magnifique fresque historique, à l’époque de l’Inquisition. Pointant du doigt l’obscurantisme d’une Eglise misogyne, injuste et sournoise, l’auteur livre non seulement une belle histoire d’amour, mais également un plaidoyer pour la liberté des femmes, tout en soulignant l’importance de l’instruction et des livres. Le tout emmené par des personnages hauts en couleur dont il a le secret. Du détestable Paolo Tahler à l’effrayante sage-femme Jehanne, aucun ne laisse le lecteur indifférent, tout en contribuant à le tenir en haleine sur près de 600 pages.
Un dernier coup de cœur pour cet auteur dorénavant caché quelque part au paradis !
RIP maestro !
Le Paradis caché, Luca di Fulvio, Slatkine, 588 p., 23€
Elles/ils en parlent également : Aude, Valmyvoyou, Litote, Anita, Evasion polar