Festival Lumière 2023 : Marisa Paredes, reine du cinéma espagnol

Par Filou49 @blog_bazart
samedi 21 octobre

Elle est une des gloires du cinéma espagnole, l’une des grandes figures de l’oeuvre d’Almodovar, mais aussi une actrice importante du cinéma européen. En France, le public l’a découverte dans « Talons aiguilles » où face à une jeune Victoria Abril, elle incarne une mère indigne et peu aimante.

On la retrouve ensuite devant la caméra d’Almodovar pour « La fleur de mon secret » et « Tout sur ma mère »Marisa Paredes est invitée d’honneur de Lumière 2023

 Elle y a présenté trois films de sa filmographie, et a fait  l'objet d'une rencontre avec le public Lyonnais pour revenir sur sa carrière d'actrice. à laquelle nous étions présents :

 UNE ENFANCE SOUS FRANCO

Je suis née en 1946, j’ai donc vécu toute la période du franquisme, ça marque une vie. Je me souviens de ma mère qui allait chercher les tickets de rationnement pour prendre du pain. J’aurai adoré étudier, mais nous n’avions pas d’argent pour payer le collège, j’ai donc arrêté l’école à onze ans. Les gens n’avaient pas le droit de s’embrasser au cinéma, dans la rue, tout était interdit. Le théâtre m’a sauvée, c’était la liberté !"Mon premier souvenir de cinéma ? C'était le cinéma de Charlie Chaplin et celui de Buster Keaton"

SA VOCATION D’ACTRICE
Lorsque j’étais petite, je voyais sur la place Santa Ana de Madrid les comédiens qui allaient au théâtre. Je les observais et je savais que dans ce lieu qu’est le théâtre, il y avait un autre monde, une autre vie, c’était la magie ! A 16 ans, j’ai débuté le théâtre et j’ai été engagée pour faire une tournée. A cette époque, la majorité était à 21 ans : mes parents ont dû aller au commissariat pour signer l’autorisation afin que je puisse faire la tournée.


SA MÈRE, SON PREMIER SOUTIEN
Mon père m’avait inscrit dans une école de dactylographie, il a mis beaucoup de temps à comprendre qu’il fallait que je quitte cette formation. Il pensait que faire du théâtre, ce n’était pas sérieux. Ma mère m’a toujours soutenue, elle me disait souvent : « fais ce dont tu as envie, moi, je n’ai pas pu le faire ». Ma mère est la première féministe que j’ai connue !


UNE FEMME ENGAGÉE
La politique est partout : dans la rue, dans la vie. La conscience des classes sociales, je l'ai eu depuis toujours et je la porte à cause de tout ce que j’ai vécu. En 1971, nous avons fait une grève pour que les comédiens de théâtre puissent avoir un jour de repos, c’était notre droit.

Après une semaine, nous avons obtenu gain de cause ! J’ai aussi eu la chance de participer aux manifestations de mai 68. J’avais un petit ami peintre qui vivait à Paris. Il m’a invitée à rejoindre ce mouvement glorieux de mai 68 : c’était une utopie, mais sans utopie, on ne peut pas vivre !


SA RENCONTRE AVEC ALMODÓVAR

J’ai rencontré Pedro au moment de la Movida : il y avait un pub qui s’appelait le Santa Barbara dans lequel se retrouvait les réalisateurs, les musiciens, les peintres. Mon amie, l’actrice Carmen Maura m’a dit : « il faut que je te présente un type qui a un talent extraordinaire », c’était Pedro. Il filmait en super 8 et était en train de réaliser Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier. Il était l’un des rares cinéastes à aller régulièrement au théâtre. C’est là-bas qu’il repérait les gens qu’il aimait.

Un jour, il est venu voir une pièce dans laquelle je jouais avec Carmen et Julieta Serrano. C’est comme ça qu’il a eu l’idée de nous engager pour son film Dans les ténèbres. Pedro était déjà un homme intelligent, très libre et quelqu’un d’indispensable, surtout à cette époque. Je lui ai envoyé une vidéo de la présentation de Talons aiguilles faite hier à l’Institut Lumière.

Il m’a dit : « profite bien ma chérie et salue les copains de Lyon ! » Il adore ce festival !

Mais Pedro n'est pas le seul grand cinéaste que j'ai rencontré au cours de ma carrière,  Guillermo del Toro, c’est quelqu’un de très créatif, très intelligent, très clair. Il adore l’Espagne. » 

Crédit photo : Jean Luc Mege sauf la première et la dernière qui est de notre photographe de Baz'art :  Fabrice SCHIFF